Cette vérité incontestable est appuyée de faits innombrables qui abondent dans l’histoire ancienne et moderne des peuples et dont aujourd’hui la malheureuse Espagne nous offre les preuves les plus tristes.
Plusieurs autres Pieces nous representent des Histoires saintes de l’ancien & du nouveau Testament ; ces images parlantes de la sainteté ne sont pas plus dignes des foudres de l’Eglise, que les images muëtes, qui n’entretiennent que les yeux : & ce seroit un caprice bien injuste de respecter les dernieres, & de condamner les premieres ; l’Eglise n’est pas capable de cette conduite bizarre, & opposée au respect qu’elle nous ordonne de rendre aux images de Jesus-Christ, & des Saints. […] Les Histoires profanes fournissent aussi plusieurs riches sujets aux theatres, les mœurs des siecles luy donnent d’amples matieres, & si le tout est traité avec la bienseance qui est convenable à la Religion, & à l’honesteté publique ; leur innocence est à couvert des foudres.
Mais, dira-t-on, la corruption des mœurs a été de tous les temps, la nature humaine est toujours la même ; d’ailleurs l’histoire le prouve sans réplique.
Etienne Jodelle qui vivait sous Charles IX. et sous Henry III. fut le premier qui s’appliqua au Poème Dramatique sur des sujets sérieux tirés de l’Histoire profane ; il fit deux Tragédies, Cléopatre et Dion, et deux Comédies, la Rencontre et l’Eugène.
Saint Thomas en ces endroits parle seulement de certains jeux de théatre, qui sont en quelque façon utiles & même nécessaires pour l’honnête récréation du monde, par maniére de délassement d’esprit ; tels que sont les piéces qu’on représente en nos tragédies, des révolutions de Régnes & d’Empires par le sort des armes ; des histoires tragiques & surprenantes, qui n’excitent que des passions nobles, comme l’admiration, par la singularité des glorieux événemens & de quelques faits prodigieux ; la compassion, par la fatale destinée de quelques illustres malheureux que le sort a outragés nonobstant leur vertu ; tantôt la joie, quelques momens après la tristesse & la douleur ; tous ces mouvemens opposés d’espérance, de force ou de crainte, dont la variété plaît & réjouit innocemment l’esprit sans corrompre le cœur, parceque les mœurs n’y sont aucunement intéressés.
Tout Tonsuré par elle endoctriné Lui fait des vœux d’éternelle sotise, D’aveugle foi, d’horreur pour les travaux, Chez nous, ailleurs & dans tous les climats ; C’est en deux mots l’histoire de Midas.
Elles figureroient parfaitement avec leurs édits & declarations, & l’histoire, qui dans la vie des Princes ne parle guere, & toujours pour les blâmer, des comédies qu’ils ont donné, a grand tort de négliger cet article essentiel de leur gloire.
Les Historiens se sont prêtés à ces ruses de vanité, ou aux vues de la piété qui a voulu écarter le scandale, & ils ont imaginé des histoires pour l’illustrer.
Les autres Ecrivains, le Mercure, les Journaux, les Almanachs, l’Histoire du Théatre Italien, en ont parlé très-froidement, & se contentent de dire que ses idées singulieres n’ont pas été goûtées du public.
Tertullien rapporte l’histoire d’une Fille Chrétienne, qui fut possédée du Démon, pour avoir une seule fois assisté à la comédie, et comme on l’exorcisait, et qu’on demandait au Démon, qui l’avait fait si hardi que d’entrer dans cette jeune Fille, qui appartenait à Jesus-Christ par son Baptême ?