« Ces principes de corruption reçoivent une nouvelle force des spectacles publics où les pères et mères ont l’imprudence de les conduire.
lesquels de leur nature ou sont sourds, de manière qu’on ne peut bonnement entendre ce qu’on y dit, ou bien sont tellement désaccordants, qu’ils rejettent et repoussent jusqu’au profond la voix, ores qu’elle soit prononcée avec force.
De même dans la Tragédie, l’objet de l’Imitation, ou ce que le Poëte imite, est en général une action humaine, grave, illustre, intéressante ; la mesure & l’harmonie des Vers, à quoi il faut joindre la force & la grace de la déclamation, sont la maniere d’imiter ; la décoration ou l’appareil extérieur du Spectacle & la Musique, lorsqu’elle y est jointe, sont les instruments ou les secours de l’Imitation. […] La beauté de l’ordre & des proportions nous enchante, parce qu’en amusant & en occupant notre esprit par la diversité des objets qu’elle nous présente, elle ménage ses forces en même-tems par l’art avec lequel elle les rapporte tous au même but, & réduit ainsi la variété à l’unité. […] Il conçoit une plus haute idée de ses forces : il se flatte de penser avec plus d’élévation, & c’est là sans doute une des plus grandes causes de cette espéce d’enchantement qui est attaché à la Poësie sublime & héroïque. […] Lorsque nous imitons nous-mêmes, nous goûtons plusieurs plaisirs qui ne dépendent point de celui d’appercevoir des rapports ; comme le plaisir d’agir qui nous fait sentir notre force ; le plaisir de mépriser l’original, & de le regarder comme étant fort au-dessous de nous, si nous ne l’imitons que pour le tourner en ridicule ; le plaisir contraire de jouter en quelque maniere contre notre modele, s’il nous paroît digne d’estime ou d’admiration, & de nous flatter d’avoir remporté la victoire, &c. […] Mais il faut une certaine force d’esprit, & encore plus de persévérance dans une application pénible, pour sentir cette espece de volupté purement spirituelle que les premiers cachent aux yeux du vulgaire.
Il ne faut donc pas s’étonner, si les Pères de l’Eglise ont autrefois condamné la Comédie, et si tant de prédicateurs, qui sont animés de leur esprit, emploient encore à présent, et leur zèle et leur éloquence pour la combattre comme eux ; c’est qu’ils la regardent comme un divertissement opposé à l’esprit du Christianisme, qui abat les forces de la vertu, qui attriste le saint Esprit, et qui réjouit le démon. […] ne parle pas avec moins de force que Tertullien. […] combien nous autres qui habitons dans la région de mort, et qui n’avons pas à beaucoup près la force et la vertu qu’avait Eve, devons-nous être bien davantage sur nos gardes, et plus retenus par la triste expérience que nous faisons tous les jours de notre faiblesse ?
Au lieu d’un faible artifice dont le Poète s’est servi, dans le Comte d’Essex, pour retenir ce prisonnier dans le Palais de la Reine, supposons que la facilité des changemens de Décoration lui eût permis de l’enfermer dans un cachot* ; quelle force le seul aspect du lieu ne donnerait-il pas au contraste de sa situation présente avec sa fortune passée ?
Je ne me suis pourtant pas fait scrupule d’ajouter en quelques occasions un mot ou deux à l’Original ; mais uniquement pour en rendre le sens plus intelligible, pour en conserver mieux toute la force, et pour garder en même temps les règles de la langue dans laquelle j’écris.
Nous avons pensé que le témoignage de ces derniers contre les spectacles avait d’autant plus de force qu’ils étaient plus intéressés à les soutenir.
Ils ne les défendent pas en particulier quelque part, parce qu’ils les condamnent partout : car que signifie autre chose tout ce que l’Evangile et l’Ecriture sainte nous disent de la pureté du cœur, qui est la base de la vie chrétienne, tout ce qu’ils nous disent de la mortification des sens, de la légèreté de l’esprit, de la faiblesse de la chair, de la force des passions, de la malice et des ruses du tentateur, du danger de s’exposer aux moindres occasions d’être tenté ; tout ce qu’ils nous disent de l’attention et de la vigilance sur les désirs, de la modération des plaisirs, de la perversité des maximes et des joies mondainesbq ?
Leurs secousses multipliées les renversent entièrement dans les téméraires qui s'y exposent fréquemment ; toujours vivement pressée, ou par de diverses attaques qui partagent ses forces, ou par une seule qui rassemble toutes celles des assaillants, la place ne tarde pas de tomber entre les mains d'un ennemi si puissant, et qui par les charmes du plaisir n'y a que trop d'intelligence.
Et, entre autres choses, je crois à la vérité qu’elle eût été du tout incapable de se rendre à la force et à la violence.