Content de la mienne, je ne déclame contre celle de personne ; mais je dis qu’il n’auroit pas été fort difficile de s’élever avec avantage contre un homme qui sappe les fondemens de toute espece de Religion Chrétienne en abolissant la Foi. […] Si l’on ne voit pas là dedans l’anéantissement de la foi, et; le principe de l’incrédulité dans le refus de l’intelligence que le Créateur fait à sa créature, c’est qu’on ne voudra pas le voir. […] Ainsi chacun va être le maître des articles de foi les plus importans, en interprétant à sa guise les Passages de l’Écriture.
La religion chrétienne renferme dans ses principes, dans ses éléments, tout ce qui mène l’homme au bonheur, tout ce qui le rend cher et utile à ses semblables, et la pratique de toutes les vertus qu’elle consacre et qu’elle commande, ne peut que fortifier les nations qui vivent dans sa foi. […] Il doit soutenir sa dignité par sa foi et sa bonne vie. […] Conc. d’Oxford, an 1222, can. 2 ; « 4° Il est ordonné aux évêques de prêcher la foi catholique par eux-mêmes et non par d’autres. […] Ier Conc. général de Nicée, an 325, can. 7. » On voit, par le texte de ces canons, que l’Eglise, qui a dû se montrer sévère dans les principes de son institution, à l’égard des fidèles qui suivaient ses lois, et contre lesquels elle a souvent lancé des sentences exterminatoires, n’a pas non plus ménagé ses propres ministres, en les soumettant à une discipline rigoureuse, de laquelle devait nécessairement dériver un respect salutaire pour la foi, et une confiance sans borne pour les prosélytes qu’elle appelait dans son sein. […] Car, en matière de religion, l’exemple est le moteur le plus fort et le plus victorieux ; le sang des premiers martyrs a amené des flots de sang, parce que chacun voulait payer de sa vie son entrée dans la foi, et obtenir la couronne céleste, en mourant pour le fils de Dieu qui en était le suprême dispensateur ; Et puisque les ecclésiastiques veulent soumettre les autres chrétiens à l’observation des décrets des conciles, et qu’au moment de leurs décès ils leur font la fausse application de sentences exterminatoires, il est de toute justice, de toute pudeur publique qu’ils rentrent eux-mêmes dans la volonté de leurs propres lois, et qu’ils s’en montrent les fidèles et les zélés observateurs.
Je ne m’arrête point à quelques textes de l’Evangile, aussi mal choisis que faussement appliqués, par exemple, (p. 206 :) Celui qui croit & qui a reçu le Baptême sera sauvé , pourvû qu’il n’agisse pas contre sa foi, comme on le reproche avec raison, aux Suppôts de la Comedie : la foi ne suffit point sans les œuvres, ainsi que l’Apôtre S. […] L’Académie ne s’est point arrogé le jugement de la morale chrétienne : la pureté de la langue est son objet exclusif, & je la crois aussi incompétente dans la matiere présente, qu’elle l’est touchant le stile des Prophétes qu’elle a cru barbare, sur la foi du sieur d’Alembert. […] Bossuet1, a été le témoin oculaire des regrets de Quinault, Racine ouvrit les yeux au milieu de sa carriere, on a regardé sa retraite comme un vain scrupule ; c’étoit plutôt un retour de sa foi éclipsée ; il comprit qu’on ne sçauroit la concilier avec les sentimens & la profession de ceux qui travaillent pour le Théâtre.
Nous avons vû que celle-ci n’étoit nullement favorable à sa cause : ajoutons le témoignage des Payens qu’il n’oseroit suspecter ; nous préluderons par les Docteurs de l’Eglise, sans avoir aucun égard à sa répugnance ; leurs sentimens font un ensemble d’un aussi grand poids que les Canons, & dès qu’ils se réunissent en grand nombre sur une assertion doctrinale, on ne peut la démentir, sans s’écarter des bornes de la foi dont ces grandes lumieres ont conservé le précieux dépôt dans leurs ouvrages respectifs. […] Le Prophete entend par-là les princes de la nation juive qui consentirent à la mort de Jesus-Christ : or, les Spectacles le font mourir une seconde fois ; ce sont des conventicules de Satan où la foi se détruit, où la morale de l’Evangile est combattue par une doctrine détestable. […] Saint Cyprien dans son Traité des Spectacles, trouve pareillement en leur nature un vice radical ; il n’est pas possible d’y assister sans renoncer à la foi chrétienne. […] Tel est le témoignage de Saint Cyprien, lequel étant né dans les ténébres de l’idolâtrie, lorsqu’il exerçoit la profession d’Orateur & de Philosophe, fut converti par le Prêtre Cecilius ; puis ayant éclairé l’Eglise par sa doctrine, étant monté sur le premier Siége d’Afrique, après l’avoir soutenu long-tems par son zéle, il l’édifia par sa mort généreuse, versant son sang pour la foi de J. […] Il est remarquable que les payens se rencontrent avec les Peres de l’Eglise, dans le jugement qu’ils ont porté sur les Spectacles, & que la seule raison les ait convaincus d’une maxime qu’on a tant de peine à faire saisir à des personnes qui se disent éclairées des lumieres de la foi, & parfaitement soumises à la sévérité de l’Evangile.
Les Vierges et les Martyrs ont paru sur le Théâtre, et l’on faisait couler insensiblement dans l’âme la pudeur et la Foi, avec le plaisir et la joie. […] Tertullien dit que la Chasteté et la Foi ont une alliance très étroite ensemble, que le Démon attaque ordinairement la pudeur des Vierges avant que de combattre leur Foi, et qu’elles n’abandonnent l’une, qu’après la perte de l’autre. […] Il est vrai que la foule est grande à ses Pièces, et que la curiosité y attire du monde de toutes parts : mais les gens de bien les regardent comme des Prodiges, ils s’y arrêtent de même qu’aux Eclipses et aux Comètes : parce que c’est une chose inouïe en France de jouer la Religion sur un Théâtre, et Molière a très mauvaise raison de dire, qu’il n’a fait que traduire cette Pièce de l’Italien, et la mettre en Français : car je lui pourrais répartir que ce n’est point là notre coutume, ni celle de l’Église : l’Italien a des vices et des libertés que la France ignore, et ce Royaume très Chrétien a cet avantage sur tous les autres, qu’il s’est maintenu toujours dans la pureté de la Foi, et dans un respect inviolable de ses Mystères. […] Le Maître et le Valet jouent la Divinité différemment : le Maître attaque avec audace, et le Valet défend avec faiblesse : le Maître se moque du Ciel, et le Valet se rit du foudre qui le rend redoutable : le Maître porte son insolence jusqu’au Trône de Dieu, et le Valet donne du nez en terre, et devient camus avec son raisonnement : le Maître ne croit rien, et le Valet ne croit que le Moine Bouru : et Molière ne peut parer au juste reproche qu’on lui peut faire d’avoir mis la défense de la Religion dans la bouche d’un Valet impudent, d’avoir exposé la Foi à la risée publique, et donné à tous ses Auditeurs des Idées du Libertinage et de l’Athéisme, sans avoir eu soin d’en effacer les impressions. […] Et enfin sans m’ériger en Casuiste, je ne crois pas faire un jugement téméraire d’avancer, qu’il n’y a point d’homme si peu éclairé des lumières de la Foi, qui ayant vu cette Pièce, ou qui sachant ce qu’elle contient, puisse soutenir que Molière dans le dessein de la jouer, soit capable de la participation des Sacrements, qu’il puisse être reçu à pénitence sans une réparation publique, ni même qu’il soit digne de l’entrée de l’Église, après les anathèmes que les Conciles ont fulminés contre les Auteurs de Spectacles impudiques ou sacrilèges, que les Pères appellent les Naufrages de l’Innocence, et des attentats contre la Souveraineté de Dieu.
Le Saint Evêque de Marseille, Salvian, parlant des spectacles, dans le sixième livre qu’il a fait du gouvernement de Dieu, est fort éloigné de les faire passer pour divertissements, puisqu’il les condamne avec tant de chaleur : voici ses propres termes : « Aller aux théâtres, dit ce Saint, est une espèce d’apostasie de la foi, une prévarication mortelle de ses Symboles et célestes Sacrements » : car, de grâce, quelle est la première confession que font les Chrétiens, lorsqu’ils sont admis au Sacrement salutaire du Baptême, si ce n’est dire et protester, qu’ils renoncent au diable, à ses pompes, aux spectacles que tu reconnais et confesses être des œuvres du diable ? […] Or le diable se trouve dans ces spectacles, et parmi ces pompes ; de sorte que retournant aux spectacles, nous faisons banqueroute à la foi de Jésus-Christ. […] Je n’en veux pas dire davantage sur ce sujet, en ayant parlé ci-devant assez amplement, joint que les deux Auteurs que je viens de produire, Salvian et Tertullien s’en sont suffisamment expliqués, pour faire connaître à un chacun que les spectacles et les théâtres ne doivent jamais passer chez les vrais Chrétiens pour divertissements, puisqu’ils traitent ceux qui y assistent d’apostats, de prévaricateurs des Sacrements, de gens qui retournent vers le diable leur premier maître, qui préfèrent le démon à Dieu, qui font banqueroute à la foi de Jésus-Christ, qu’ils sont plus criminels que les païens, qu’ils sont sans Religion, qu’ils ne cherchent qu’à repaître leurs yeux adultères ; gens enfin qui se jettent volontairement dans le fort et la citadelle où se commettent toutes sortes d’impuretés.
Que tous les partis continuent à signaler les abus, les excès et les désordres ; mais il est bien inutile de demander un changement dans le personnel des ministres, tant que nous serons opprimés sous l’empire de l’influence des Pères de la foi. […] Alors les opinions de ce parti prévalent sur les opinions et la conscience d’un chacun ; c’est de là qu’est née la corruption, l’hypocrisie et l’infâme morale des intérêts, dont les jésuites de tout temps et aujourd’hui les pères de la foi, profitèrent avec un si grand avantage. […] Ne sont-ils pas obligés d’obéir à cette puissance occulte qui semble ne siéger nulle part et domine partout, à cette secte jésuitique et ultramontaine des pères de la foi, qui intime des ordres impératifs auxquels tous les ministres d’Etat doivent déférer, sous peine d’être renvoyés ? […] D’ailleurs pourrait-il jamais être tel qu’il doit être, tant qu’il aura à lutter contre cette faction orgueilleuse et anarchique des pères de la foi ?
Salvien dit qu' « aller aux spectacles c'est en quelque sorte abandonner sa Foi, et abjurer le Christianisme. […] Doit-on ajouter foi à ce que disent certaines personnes, que quelque soin qu'elles prennent de s'examiner, elles n'y trouvent pas matière de confession. […] D'autres qui passent pour dévots, sont-ils plus dignes de Foi quand ils assurent qu'ils n'y font point de mal ?
Il y a surtout un danger, parmi tant d’autres, où bien souvent la pureté de la foi et l’innocence des mœurs font un triste naufrage ; c’est le théâtre. […] L’horreur de la jeune Juive pour le baptême exprimée avec des sentiments de foi, est une attaque malicieuse contre le christianisme, au milieu d’une intrigue d’amour entre un catholique et une juive. […] Il y aurait ici un livre à faire pour montrer en détail combien le théâtre moderne est propre à détruire dans les cœurs des fidèles chrétiens la foi catholique. […] Ce serait en dépit de la raison et de la foi qu’un chrétien oserait fréquenter le théâtre ? […] Le monde vous excuse, il vous approuve, il applaudit à votre conduite, mais la foi vous condamne.
Serviteurs de Dieu qui êtes prêts d'entrer au service de sa divine Majesté; et vous qui y êtes entrés par la confession, et par la déclaration que vous en avez fait au Baptême, sachez et reconnaissez que l'état de la Foi, l'ordre de la vérité, et la Loi de la discipline Chrétienne, condamnent absolument le divertissement des Spectacles, comme les autres dérèglements du monde, afin qu'aucun de vous ne pèche par ignorance, ou par dissimulation. […] Je passe à l'autorité principale qui est tirée du sceau de notre Foi. Lors que dans l'eau du Baptême nous faisons profession de la Foi de Jésus-Christ, selon la forme et la manière de sa Loi; Nous déclarons de notre propre bouche que nous avons renoncé au Diable, à ses pompes et à ses Anges. […] Il y a plus de doctrine dans nos Exercices ; Les vers y sont plus beaux, les sentences plus solides, les airs plus agréables, les voix plus charmantes : au lieu des fables, vous y trouverez des vérités, au lieu des fourberies, une sainte simplicité ; Vous y verrez l'impureté bannie par la Chasteté ; la perfidie détruite par la Foi ; la cruauté abattue, par la Miséricorde; l'insolence chassée par la Modestie. […] Il n'y a point de Préteur, de Consul, de Questeur, de Pontife, quelque libéralité qu'il déploie, qui vous puisse faire voir ces choses qui vous puisse donner ce plaisir : Néanmoins la Foi vous les représente dès à présent par les Images qu'elle en forme dans vos esprits ; et après cette vie vous verrez ce que l'œil n'a point vu, ce que l'oreille n'a point entendu, et que l'esprit de l'homme n'a jamais conçu.