/ 687
138. (1694) Sentiments de l’Eglise et des Pères « II. PARTIE. Où l’on répond aux Objections de l’Auteur de la Lettre. » pp. 89-140

Plus la Comédie semble honnête, plus je la tiens criminelle ; parce que le plaisir fait entrer insensiblement toutes les choses du monde dans notre esprit. […] Il ne peut donc venir dans l’esprit d’une personne tant soit peu raisonnable, qu’ils ne le fissent honnêtement. […] Se divertir c’est retirer son esprit d’une occupation sérieuse pour l’appliquer à une autre moins attachante. D’où il s’ensuit, que toutes les personnes qui ne s’appliquent jamais l’esprit n’ont pas droit ni besoin de se divertir. […] On peut ajouter à ces sortes de divertissements des conversations honnêtes et édifiantes à des yeux innocents, qui ne servent qu’à se lasser l’esprit.

139. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Seconde partie « Causes de la décadence du goût sur le théatre. — Chapitre XXIV. Le sentiment, juge plus sûr que le goût. Celui-ci préféré au premier. Pourquoi ? Amour du Théatre, funestes à ses progrès. Honneurs avilis en devenant trop communs. Cabales. Leurs effets, & les moyens qu’on employe pour les éluder.  » pp. 129-150

On est surpris que ce public, qui pour la plûpart, est dépourvû de lumieres suffisantes, se trompe si rarement à apprécier les ouvrages d’esprit, leur juste valeur ; tandis que les Auteurs eux-mêmes n’en ont fait avant lui, que des éloges hazardés. […] Il peupla le Parterre de legislateurs, qui ne s’y rendoient que pour étaler la sagacité de leur esprit, & de leur critique. […] S’il est distrait par les autres, son esprit est de nouveau entraîné dans une foule de refléxions que leur différence amène naturellement, il se dédommage, en pensant, d’avoir moins d’impressions qu’il n’en espéroit. […] La voilà établie juge du génie, d’une maniere plus honorable que par le sentiment, qui ne laisse rien à faire à l’esprit. […] Un bruit terrible les arrête plusieurs minutes : ils oublient l’esprit de leur rôle : ils sortent de l’état où ils s’étoient mis avant d’arriver : ils n’y rentrent qu’avec effort, & souvent aux dépens de la vérité & de l’illusion.

140. (1664) Traité contre les danses et les comédies « LETTRE DE L’EVEQUE D’AGNANI, Pour la défense d’une Ordonnance Synodale, par laquelle il avait défendu de danser les jours des Fêtes. Au très Saint et très Bienheureux Père Paul V. Souverain Pontife. Antoine Evêque d’Agnani, éternelle félicite. » pp. 154-176

Le peuple de mon Diocèse, très saint Père, soit dans la ville, soit à la campagne, par une coutume pernicieuse, célèbre quelques Fêtes votives d’une manière très indigne de la foi qu’il professe, et entièrement contraire à l’esprit de la Religion Chrétienne ; car il ne s’occupe pendant ces saints jours qu’à la danse, à la comédie, aux exercices profanes de la lutteh et de la course, et à d’autres spectacles qui ne sont pas moins éloignés de la sainteté des Fêtes. […] Nous lisons aussi dans un Concile de Carthage, qu’on ne doit point tolérer en aucune manière ces spectacles, ni le jour du Dimanche, ni les autres Fêtes ; parce que comme nous apprenons encore du sixième Concile, les fidèles doivent passer ces jours dans les lieux saints, et ne vaquer qu’à la prière et au chant des Psaumes, des Hymnes et des Cantiques spirituels, afin que leur joie soit toute en Dieu, et en Jésus-Christ, et que n’appliquant leur esprit qu’à la lecture des choses saintes et divines, ils se nourrissent de la parole de Dieu et du fruit des divins mystères. […] « C’est, dit-il, une coutume contraire à l’esprit du Christianisme, que celle qu’on voit parmi le peuple les jours des solennités, et des Fêtes des Saints ; car au lieu de s’appliquer à la piété, et d’assister avec ferveur aux divins Offices, ils emploient le temps à danser et à chanter des chansons indécentes, et ils ne se causent pas seulement du dommage à eux-mêmes par ce dérèglement ; mais ils troublent la dévotion des personnes vraiment Chrétiennes. […] Dieu le lui a donné pour appuyer les règles de la discipline de l’Eglise, et afin que ce que les Prélats et les Prêtres ne pourront pas gagner sur les peuples par la force de la parole divine qu’ils annoncent, s’accomplisse par la terreur que les Lois et les Ordonnances Civiles peuvent imprimer dans leur esprit. […] Et ce règlement a été si fidèlement observé, que cela seul devait obliger mon peuple, sans attendre des nouvelles ordonnances, à se régler lui-même sur ce sujet, puisqu’il n’y a rien de plus juste, que de se conformer aux règlements de la ville de Rome ; qui est la capitale de la Religion ; et que l’ordre naturel demande que les membres se conforment à leur Chef, et suivent son esprit et son mouvement.

141. (1756) Lettres sur les spectacles vol.1 pp. -610

En effet, Monsieur, le cœur s’attache, au lieu que l’esprit ne s’occupe point toujours des mêmes idées. […] Ces deux pieces sont des chefs-d’œuvre capables d’affecter utilement l’esprit & le cœur. […] Ce que l’esprit y trouve de plus admirable, est assez souvent ce que le cœur doit le moins approuver. […] De même que la lecture des Romans rend l’esprit romanesque, l’assiduité au Théatre rend aussi l’ame tragique. […] quelle présence d’esprit, quelle finesse, & quelle justesse dans ses réponses !

142. (1759) Lettre sur la comédie pp. 1-20

C’est un monument de la Religion, du bon esprit & de l’éloquence de l’Auteur. […] Il s’élevoit souvent des nuages dans mon ame sur un art si peu conforme à l’esprit du Christianisme, & je me faisois, sans le vouloir, des reproches infructueux, que j’évitois de démêler & d’approfondir : toujours combattu, toujours foible, je différois de me juger, par la crainte de me rendre & par le desir de me faire grace. […] Après avoir apprécié, dans sa raison, ce phosphore qu’on nomme l’Esprit, ce rien qu’on appelle la Renommée, ce moment qu’on nomme la Vie, qu’il interroge la Religion qui doit lui parler comme à moi ; qu’il contemple fixement la mort ; qu’il regarde au-delà, & qu’il me juge. […] Au moment où j’écris, un Corps Céleste, nouveau à nos regards, est descendu sur l’Horison ; mais ce spectacle, également frappant pour les Esprits éclairés & pour le Vulgaire, amuse seulement la frivole curiosité, quand il doit élever nos réflexions. […] Je vous demanderois grace ; Monsieur, sur quelques traits de cette Lettre, qui paroissent sortir des limites du ton épistolaire, si je ne savois, par une longue expérience, que la vérité a toute seule par elle-même le droit de vous intéresser indépendamment de la façon dont on l’exprime, & si d’ailleurs, dans un semblable sujet dont la dignité & l’énergie entraînent l’ame & commandent l’expression, on pouvoit être arrêté un instant par de froides attentions aux régles du style, & aux chétives prétentions de l’esprit.

143. (1738) Sentimens de Monseigneur Jean Joseph Languet Evéque de Soissons, et de quelques autres Savans et Pieux Ecrivains de la Compagnie de Jesus, sur le faux bonheur et la vanité des plaisirs mondains. Premiere partie « Sentimens de quelques ecrivains De la Compagnie de Jesus, Touchant les Bals & Comedies. Premiere Partie. — Entretien premier. Sentiment du reverend Pere Bourdaloue de la Compagnie de Jesus, touchant les Bals & les Comedies en general. » pp. 8-16

Il dit que l’ignorance de l’esprit de l’homme n’est jamais plus presomptueuse, il ne pretend jamais mieux philosopher, & raisonner, que quand on lui veut interdire l’usage de quelques divertissemens, & de quelque plaisir, dont elle est en possession, & qu’elle se croit legitimement permis. […] suivant le conseil du Saint Esprit, j’interrogerois ceux que Dieu m’a donnez pour Maîtres, ce sont les Peres de l’Eglise Interroga Patrem tuum, & annuntiabit tibi, majores tuos, & dicent tibi : & après les avoir consultez, il seroit difficile, s’il me restoit quelque delicatesse de conscience, que je ne fusse pas absolument convaincu sur cette matiere. […] Il est vrai le langage en est plus pur, plus étudié, plus chatié ; mais vous savez si ce langage en ternit moins l’esprit, s’il en corrompt moins le cœur, & s’il peut-être il ne vaudroit pas mieux entendre les adultéres d’un Jupiter, & des autres divinitez, dont les excés exprimez ouvertement & sans reserve, blessant les oreilles feroient moins d’impression sur l’ame. […] Je ne dis pas que ç’a été la Morale des gens foibles & peu instruits, bornez dans leurs vuës, & timides ou précipitez dans leurs decisions : outre leur sainteté qui nous les rend venerables, nous savons que c’étoient les premiers genies du monde ; nous avons en main leurs écrits, & nous y voyons la sublimité de leur sagesse, la penetration de leur esprit, la profondeur & l’étendüé de leur érudition. […] Enfin, je ne dis pas que ç’a été une Morale qu’ils n’ayent adressée qu’à certains états, qu’à certains caractéres, & à certains esprits.

144. (1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre XII. Du Dimanche et des jours des Fêtes. » pp. 54-66

Outre le Dimanche nous célébrons encore des Fêtes en l’honneur des Saints ; mais ce culte revient à la gloire du Fils de Dieu, qui en est le chef, parce que c’est lui qui les a sanctifiés, et qui les ayant faits ses membres, leur a donné la plénitude de son esprit, par laquelle ils sont devenus Saints, et parfaits. Nous faisons encore ces mêmes Fêtes des Saints, afin que nous remettant dans l’esprit la vie qu’ils ont menée, et les vertus qu’ils ont pratiquées avec tant de fidélité et de perfection, nous concevions des désirs solides de les imiter, et nous résolvions à suivre leur exemple. […] Il ne faut pas omettre ces paroles excellentes du Concile de Fréjus : « Il faut, dit-il, s’abstenir les jours des Fêtes de toute sorte de péché, et de toute sorte d’œuvre sensuelle, ou terrestre ; et ne s’occuper à autre chose en ce saint temps, qu’aux exercices de l’Oraison, et à se rendre fidèlement aux assemblées qui se font dans les Eglises pour les Offices, avec une parfaite ferveur d’esprit Conc. […] Et plus bas ; « Soyez donc appliqués de corps, aussi bien que d’esprit, aux Hymnes, et à la louange de Dieu. […] Il est donc juste que nous célébrions tous avec la même affection, et avec la même ardeur, et dans une entière unité de cœur et d’esprit, ce saint jour par lequel nous sommes devenus, ce que nous n’étions pas, c’est-à-dire, les enfants de Dieu, et les héritiers de la gloire éternelle. » Et infra.

145. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre second. — Chapitre prémier. De l’éxcellence du nouveau Théâtre. » pp. 68-93

L’Esprit avec plaisir reconnaît la Nature. […] La plus-part des Poètes du nouveau Spectacle paraissent avoir raison de se persuader que le stile est très peu nécessaire pour faire valoir les ouvrages d’esprit. […] Je trouve qu’ils plaisent encore d’avantage aux ignorans qu’aux gens d’esprit. […] N’est ce pas un amas de paroles sans grace, sans esprit, & vuide de sens ? […] Les guerres civiles, les incursions des Barbares arrêtèrent autrefois les progrès de l’esprit chez les différens Peuples de la terre.

146. (1694) Décision faite en Sorbonne touchant la Comédie, avec une réfutation des Sentiments relachés d’un nouveau Théologien, sur le même sujet « Décision faite en Sorbonne touchant la Comédie. » pp. 1-132

Si l’on regarde la Comédie en elle-même et en général, c’est-à-dire, comme une représentation qui de soi est capable de divertir et de réjouir l’esprit humain, il n’y paraît rien de mauvais. […] Premièrement, il montre en général qu’ils sont opposés aux dons du Saint Esprit, en ce qu’ils excitent le trouble des passions dans l’âme15 : « Car, dit-il, l’esprit de l’homme n’est pas assez insensible pour n’être pas agité de quelque passion secrète, même dans l’usage le meilleur et le plus modéré des Spectacles. […] On doit retirer son esprit de ces sortes de choses ; le Chrétien peut, s’il le veut, trouver des Spectacles plus solides et meilleurs ». […] Saint Augustin106 l’avait dit autrefois dans le même esprit : que l’on tolérait des choses mauvaises pour empêcher de plus grands maux. […] L’on peut dire ici que les personnes qui mènent leurs filles à la Comédie, sont bien éloignées de l’esprit de la mère de sainte Macrine, sœur de saint Grégoire de Nysse.

147. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre troisiéme. — Chapitre prémier. Qu’on ne doit pas se figurer que la composition des nouveaux Drames soit aisée. » pp. 116-120

Si l’on doutait encore qu’il soit nécessaire d’employer dans les Drames modernes le goût & l’esprit dont on est capable, Boileau nous forcerait de changer d’avis. […] Qu’on juge de l’éffort que doivent faire des gens d’esprit pour se plier au ridicule & à la bassesse de leur sujet. […] Apprenez que le tems seul met la dernière main aux Ouvrages d’esprit.

/ 687