Il ajoute qu’elles donnent du dégoût pour toutes les choses saintes, et surtout pour les saintes Ecritures, parce que la nature corrompue n’y trouvant rien qui la flatte, elle s’en dégoûte, et préfère injustement ces Vers et ces Chansons misérables, qui touchent et entretiennent ses passions, aux vérités que ces Livres saints lui découvrent et qui condamnent ses dérèglements.
On ne voyoit point les hommes les plus distingués, former des troupes d’actionnaires & de fermiers, & se charger d’entretenir la Comédie, & se dégrader dans la loge des portiers, jusqu’à veiller sur la recette, & faire payer rigoureusement tout le monde, après avoir fait payer l’édifice au public.
L’indigence est la suite de la profusion, la vénalité celle de l’indigence, l’esclavage celle de la vénalité, & le théatre entretient le luxe.
Mais pour les passions molles & voluptueuses, où l’ame se livre aux funestes délices de l’impureté, à la dissipation, à la frivolité, perd la pudeur, la religion, la charité, il n’est pas douteux que le théatre & la danse, analogues au caractère nationnal, montés sur ce ton, établis & entretenus dans ces vues, par des personnes plongées dans le désordre, exercées à exciter les passions, les peignant, les embellissant, les réalisant, étalant, offrant l’objet avec toutes ses graces au premier qui en veut, se piquant, se faisant gloire de produire ces malheureux effets, il n’est pas douteux que le théatre & la danse théatrale ne fassent dans tous les cœurs les plus grands ravages.
Mais quand il nous entretient de la guerre, du gouvernement, des loix, des sciences qui demandent la plus longue étude & qui importent le plus au bonheur des hommes, osons l’interrompre un moment & l’interroger ainsi : O divin Homere !
Je réponds à cela avec les propres paroles de saint Thomas, que dans ces sortes de jeux le Pénitent doit se comporter autrement que les autres, lui qui doit chercher les larmes de la pénitence ; qu’il peut toutefois en user modérément comme d’une honnête récréation de l’esprit, ou pour entretenir la société avec ceux avec qui il est obligé de vivre : d’où l’on peut inférer, qu’à la vérité les Chrétiens doivent moins fréquenter ces sortes de Spectacles pendant le Carême ; non pas qu’ils soient défendus, mais parce que leur état les oblige a se mortifier en ce temps. […] Mais saint Thomas, dit le Docteur, permet à un Pénitent de prendre quelque divertissement pour entretenir la société. […] Car enfin l’Eglise défend les Spectacles à tous les Chrétiens ; et le Docteur veut que saint Thomas les permette même aux Pénitents : l’Eglise les défend sans exception, et pour tous les temps de l’année ; et le Docteur veut que saint Thomas les permette durant tout le saint temps du Carême ; et tout cela, parce que saint Thomas a dit, que pour entretenir la société on pouvait accorder quelque divertissement à un Pénitent.
Il aima94 pourtant l’art des Histrions, dit encore Capitolin, qui sous des Fables et des noms empruntés tournaient en ridicule ceux qui formaient ou entretenaient des intrigues d’amour. […] Il ne sera pas inutile d’observer en passant, qu’en 385 Théodose le Grand défendit d’entretenir dans les maisons ou de faire venir dans les festins des Musiciennes Tit. […] Car, qui pourrait croire qu’on y voit ceux qui par leur ordination doivent entretenir un commerce perpétuel avec J. […] Les Princes avaient accoutumé de faire de beaux présents à ces gens-là et de leur donner leurs plus précieux habits : mais lui étant persuadé, comme le dit Rigord son Historien, que donner aux Histrions, c’était sacrifier au diable, aima mieux suivre l’exemple du saint et charitable Henri I. qui avait fait vœu de faire vendre les siens, pour en employer l’argent à nourrir et entretenir les pauvres. […] Et les Magistrats Chrétiens exhortés, ne les souffrir, d’autant que cela entretient la curiosité, et apporte de la dépense et perte de temps.
Je vois que Lyon bien plus riche à proportion, et du moins cinq ou six fois plus peuplé entretient exactement un Théâtre, et que, quand ce Théâtre est un Opéra, la ville n’y saurait suffire. Je vois que Paris, la Capitale de la France et le gouffre des richesses de ce grand Royaume, en entretient trois assez médiocrement, et un quatrième en certains temps de l’année. […] Mais combien d’autres villes incomparablement plus grandes que la nôtre, combien de sièges de Parlements et de Cours souveraines ne peuvent entretenir une Comédie à demeure ? […] L’attrait de la chasse et la beauté des environs entretiennent ce goût salutaire. […] Tout cela est autant de perdu pour la Comédie, et pendant toute la belle saison il ne restera presque pour l’entretenir, que des gens qui n’y vont jamais.
Ce frivole ornement est non seulement inutile, mais encore embarrassant par les frais auxquels elle expose, & par les inconvéniens de son usage, dans la poussiere, dans la boue, s’accrochant à tout, si on la laisse traîner, à moins d’entretenir un caudataire, qui la porte, & suive son maître comme une ombre, le gêne, ou l’expose à tomber en la levant mal.
L’Amérique au contraire pense en barbare : les colonies angloises, qui ne veulent point se soumettre aux Bils du Parlement, & ne craignent pas la guerre civile, dans le congrès général tenu à Philadelphie, où se sont réunies les provinces, parmi plusieurs règlemens qu’on a cru nécessaires pour entretenir les vertus guerrieres, & se bien défendre contre les entreprises de la metropole, on a expressément défendu de souffrir dans tout le pays aucune sorte de théatre, opéra, comédie, farce, &c. comme uniquement propre à énerver les corps & les esprits, & à rendre les habitans incapables de soutenir les fatigues de la guerre.