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6. (1694) La conduite du vrai chrétien « ARTICLE V.  » pp. 415-435

Je ne puis pas accuser de péché ceux qui y assistent, à moins que leur état et leur condition ne les en dût empêcher. […] Grégoire demeure constante, comme il n’y a pas lieu d’en douter, que celui qui peut empêcher le crime, et ne l’empêche pas, se rend coupable du même crime : qui pourra exempter Messieurs les Gens du Roi, de tous les péchés que commettent et font commettre dans leur Ville, ces sortes de gens ; vue que non seulement ils le peuvent empêcher, mais de plus qu’ils y sont obligés par leurs Charges ?

7. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE V. Des Comédiens. » pp. 156-210

Mais si le spectacle empêche que les mauvaises mœurs ne dégénèrent en brigandage, il est dès lors d’une utilité universelle, puisqu’il y a partout des gens de mauvaises mœurs. Indépendamment de ceux qui naissent dans le pays, la France, l’Italie, l’Allemagne en vomissent de temps en temps sur les bords du Lac : il est donc essentiel à Genève d’avoir un spectacle, puisque vous lui accordez une si grande vertu que celle d’empêcher le progrès des mauvaises mœurs. […] Cet Edit n’empêcha pas Cicéron d’estimer, d’aimer et de défendre Roscius, ni les Ediles de le payer suivant son mérite. […] A l’égard des Duels, il ne s’agissait pas seulement d’empêcher de se battre, il s’agissait d’empêcher en même temps qu’un brave, en se soumettant à la loi, ne passât pas pour un lâche : or c’est ce qu’on ne pouvait empêcher ; se taire tout à fait, c’était se compromettre ; permettre le Duel, dans certains cas, et sous l’autorité de votre Cour d’honneur, c’est exposer à la mort celui des deux Champions qui a raison, et qui par conséquent devrait toujours être vengé. […] L’impertinence de Diogène, ni votre Cynisme maladroit, ne m’empêcheront pas de regarder les Socrate, les Platon, les Molière, les Montaigne, les Montesquieu, les Mirabeau, comme les amis des hommes, et les organes de la raison, de la sagesse et de la vérité.

8. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — TROISIEME PARTIE. — Tragédies à conserver. » pp. 128-178

De son côté Inès, qui partage les crimes de son Amant, ne fût-ce que parce qu’elle ne les empêche pas, et qui, loin d’exiger de lui de vaincre sa passion, s’abandonne à la sienne propre en épousant Dom Pedre en secret, malgré l’avenir affreux qu’elle prévoyait ; Inès, dis-je, est punie de son aveuglement par la perte de la vie ; et, en mourant, elle ne peut ignorer que, par sa mort, elle prive son Amant de ce qu’il a de plus cher dans le monde. […] Quoique je ne les condamne point d’en être vivement émus d’horreur ; je ne puis cependant m’empêcher de savoir bon gré au Poète, qui, pour détruire par une forte impression le sentiment et le désir de la vengeance, a choisi un des faits le plus marquant que l’antiquité nous ait laissé en ce genre. […] D’un autre côté, cette Tragédie est tout à fait exempte de ces faiblesses, qui pourraient empêcher qu’on ne la conservât pour le Théâtre de la réforme, dont je la crois extrêmement digne. […] Après toutes ces réflexions, qui prouvent suffisamment la différence qui se trouve entre les deux intrigues d’amour des Tragédies de Mithridate et de Rhadamiste, je crois que, d’avoir rejeté cette première ne doit point m’empêcher d’adopter la seconde, qui me paraît en toutes ses parties tendre à l’instruction des Spectateurs. […] Il peut se faire que, dans quelques-uns de mes examens précédents, mon Lecteur me trouve trop indulgent pour plus d’une des Tragédies que je conserve : il dira peut-être que, si dans ces Pièces la passion d’amour est accompagnée d’une morale pure et d’une instruction convenable, cela n’empêche pas que le serpent n’y soit caché sous les fleurs, soit à cause du style trop séduisant, ou de l’action trop vivement exprimée.

9. (1694) Sentiments de l’Eglise et des Pères « CHAPITRE III. Des Comédies de ce temps, si elles sont moins mauvaises et moins condamnables que celles du temps passé. » pp. 55-81

Mais tous les équivoques dont ils couvrent le poison, n’empêchent pas qu’on ne l’avale ; et il en est encore plus dangereux. […] Je n’ai pû m’empêcher, en lisant cette Pièce, d’admirer en moi même combien il faut se défier du jugement des hommes. […] C’est pourquoi Monsieur Corneille n’a pu s’empêcher d’en faire paraître dans Polyeucte, où nous voyons Pauline faire une belle leçon de Coquetterie à de jeunes Damoiselles, en racontant à Stratonice, qu’elle aime Severe, contre les défenses de ses parents, qui ne voulaient pas qu’elle l’épousât, à cause de l’inégalité de son bien. […] exhorte les parents d’éloigner leurs enfants de toutes les occasions où ils sont en danger de perdre le précieux trésor de leur innocence, et surtout de les empêcher d’aller aux spectacles ; comme on empêche une servante, dit-il, de porter une chandelle allumée en des lieux où il y a de la paille, de peur que lorsqu’on y pense le moins, il ne vienne à tomber une étincelle de feu dans cette matière combustible, et ne cause un embrasement entier de toute la maison. […] Mais enfin, je ne puis m’empêcher de le dire, et je voudrais que cela se put faire sans qu’il y en eut.

10. (1665) Lettre sur les observations d’une comédie du sieur Molière intitulée Le Festin de Pierre « [Lettre] » pp. 4-32

Celui de Monsieur de Molière étant depuis longtemps reconnu, elle n’épargne rien pour empêcher que l’on en perde la mémoire, et pour l’élever davantage, elle fait tout ce qu’elle peut pour l’accabler. […] Je ne sais pas comment on peut lire cet endroit sans s’empêcher de rire, mais je sais bien que l’on n’a jamais repris les inconstants avec tant d’aigreur et qu’une maîtresse abandonnée ne s’emporterait pas davantage que cet observateur, qui prend avec tant de feu le parti des belles. […] Don Juan n’a dit que « deux et deux sont quatre et quatre et quatre sont huit » que pour s’empêcher de raisonner sur les choses que l’on lui demandait, cependant l’on veut que cela soit capable de perdre tout le monde et que ce qui ne marque que sa croyance soit un raisonnement très pernicieux. […] Pour vous, Monsieur, vous en croirez ce qu’il vous plaira, sans que cela m’empêche de croire ce que je dois.

11. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre IV. Du Législateur de Sans–souci. » pp. 93-109

La politique l’empêche de détruire ouvertement la Confession d’Aubourg, pour établir le Déisme ; son peuple, tout l’Empire, les Protestans même s’y opposeroient ; mais il en sappe les fondemens, & en ruine la créance par des voies indirectes. […] Le Roi de Prusse, aussi bien que l’Eglise Catholique, ordonne la publication des bans & la bénédiction du Ministre devant des témoins, deux conditions nécessaires pour empêcher la clandestinité, chose la plus opposée à la nature d’un état que tout doit rendre public dans la société pendant toute la vie, publication d’ailleurs nécessaire pour découvrir les empêchemens du mariage, instruire les personnes intéressées à s’y opposer, à mettre en sûreté les hypotheques des créanciers. […] le pourront-ils, si on veut les empêcher ? […] Sans doute l’inégalité des conditions ne doit pas seule décider des mariages ; mais il en est de si honteuse, de si mal assortie, dictée par le libertinage, qu’on a droit de faire des efforts pour empêcher le déshonneur de sa famille, & il n’est pas de la sagesse du Législateur de lui lier absolument les mains. […] C’est approuver la violence, c’est y inviter que de donner si peu de temps, comme s’il étoit fort difficile de continuer pendant huit jours les mauvais traitemens pour empêcher de s’adresser à la Justice.

12. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE IV. Apologie des Dames. » pp. 119-155

Trois grandes Puissances l’environnent ; ce n’est pas, comme on se l’est imaginé jusqu’à présent, à la jalousie réciproque de ces trois Puissances ; ce n’est point à l’attention et à l’intérêt que chacune d’elles a d’empêcher une de ses rivales de s’en emparer, que Genève doit sa tranquillité ; c’est à la crainte qu’elle inspire : et comment ne tremblerait-on pas à son aspect ? […] Médire, c’est dire du mal : or dans ce sens le Spartiate est un imbécile, de se fâcher contre quelqu’un qui loue au lieu de médire : si c’est un reproche fin au panégyriste de ce que, par des louanges hyperboliques, il s’empêchait d’être cru, ce n’est plus blâmer la louange, c’est blâmer seulement une exagération préjudiciable à l’éloge : en ce sens, le Spartiate est un homme d’esprit, sans que cela prouve qu’il n’était pas permis à Lacédémone de dire du bien d’une honnête femme. […] S’il y a très peu de femmes qui pensent et parlent comme Cénie et comme Constance, c’est que les hommes qui les environnent ont grand soin de les distraire et de les empêcher de prêter trop attentivement l’oreille à de pareils précepteurs. […] C’est cependant ce que vous avez dit : cela ne m’empêche pas cependant de deviner votre intention : vous avez voulu dire que les femmes n’ont naturellement ni sens commun, ni esprit, ni génie, ni sagesse, ni beaux sentiments, que les hommes au contraire sont exclusivement pourvus de tout cela, et qu’il est absolument absurde d’aller entendre et admirer toutes ces belles qualités dans la bouche des femmes, puisqu’elles ne les ont pas, et que c’est dans le cœur des seuls hommes qu’elles ont fixé leur domicile. […] Vous direz peut-être que ces Héroïnes ne doivent leur gloire et leur réputation qu’à la sagesse de leurs Conseils ; je vous réponds moi, qu’un mauvais Conseil peut bien tromper un bon Roi, et l’empêcher de faire le bien auquel il est porté, mais que les meilleurs Ministres n’empêcheront jamais un méchant Prince de faire du mal, un Monarque sans génie d’être petit en tout, un Monarque imbécile de faire des sottises.

13. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre I. Convient-il que les Magistrats aillent à la Comédie ? » pp. 8-25

Il est vrai que ni la distinction ni la confusion ne sauraient empêcher les mauvais effets que produit dans les cœurs la corruption des spectacles ; mais du moins on sauve par ces ténèbres l’éclat et le scandale. […]  2.), un homme en place ne peut tolérer un mal public que pour en empêcher un plus grand, qui ne peut être évité que par là. Or la comédie est un mal public, et un grand mal ; elle n’en empêche aucun autre, et ceux-même dont on prétend qu’elle préserve, peuvent être arrêtés d’ailleurs, et sont bien moindres que ceux qu’elle fait faire : impudicités, médisances, friponneries, oisiveté, folles dépenses, etc. […] Cependant comme le Prince ne s’est expliqué sur la tolérance que pour la capitale, quoiqu’il le laisse en effet dans tous les lieux où on le veut, il est du devoir d’un Magistrat d’empêcher son établissement partout où il n’est pas encore, et jamais ne le favoriser, arrêter les dépenses des villes qui voudraient l’établir, et refuser les permissions de représenter aux troupes de Comédiens qui voudraient l’introduire. […]  30.), autant et plus sévère que les Casuistes, décide que les Magistrats ne peuvent en conscience souffrir les Comédiens dans leur ville, et doivent empêcher les citoyens d’aller à la comédie, sans quoi ils se rendent comptables devant Dieu de tous les péchés qui s’y font ?

14. (1772) Spectacles [article du Dictionnaire des sciences ecclésiastiques] « Spectacles. » pp. 150-153

Quelques-uns attribuent l’origine des spectacles à la politique des Grecs, qui les inventerent, disent-ils, pour amuser les gens oisifs, & les empêcher de former des cabales contre l’état. […] Le fameux Riccoboni, qui avoit monté cinquante ans sur le théâtre, le regardoit comme l’école des mauvaises mœurs & de la corruption, & ne pouvoit s’empêcher d’avouer que rien ne seroit plus utile que la suppression entiere des spectacles. […] Non, les puissances ecclésiastiques & séculieres ne permettent point les spectacles ; elles les tolerent seulement, comme elles tolerent les femmes perdues d’honneur, & une infinité d’autres maux qu’elles ne peuvent empêcher. […] La personne, à qui elle parloit ainsi, ne put s’empêcher d’en marquer de l’étonnement, & prit la liberté de lui en demander la raison.

15. (1760) Critique d’un livre contre les spectacles « REMARQUES. SUR LE LIVRE DE J.J. ROUSSEAU, CONTRE LES SPECTACLES. » pp. 21-65

Comme les empêcher de s’occuper, c’est les empêcher de mal faire, deux heures par jour, dérobées à l’activité du vice, sauvent la douzième partie des crimes qui se commettraient. […] « En certains lieux les Spectacles seront utiles pour rendre les gens riches moins mal-faisants ; pour distraire le peuple de ses misères ; pour lui faire oublier ses Chefs en voyant ses Baladins ; pour maintenir et perfectionner le goût quand l’honnêteté est perdue ; pour couvrir d’un vernis de procédés la laideur du vice ; pour empêcher, en un mot, que les mauvaises mœurs ne dégénèrent en brigandage. […] J’ignore cette dignité conjugale, qui m’empêche de me faire du bien en me divertissant : je ne connais de dignité naturelle que la dignité paternelle, et je danse encore sans croire blesser celle-ci, tout comme ses chers Spartiates, dont il nous donne lui-même les fêtes pour modèle.

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