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6. (1836) De l’influence de la scène « De l’influence de la scène sur les mœurs en France » pp. 3-21

Et ce fut du sein de ces bacchanales d’où jaillissaient parfois des éclairs de génie, qu’on vit s’élever l’art dramatique, grand et sublime ! […] Tant de soins montraient l’importance que le gouvernement attachait aux représentations dramatiques, et l’intention manifeste d’associer les poètes à la cause des mœurs et des lois ; ils y furent longtemps fidèles. […] Issu d’un sentiment religieux, l’art dramatique grossier, barbare, vague, inaperçu à son berceau dans les campagnes de l’Attique, grandit, paré de grâces, d’élégance, brillant de génie. […] Il fit une révolution dans l’art dramatique en introduisant la philosophie sur la scène. […] C’eût été, je l’avoue, beaucoup moins dramatique, mais plus utile aux mœurs.

7. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre IX. Que les Acteurs des Poèmes Dramatiques n'étaient point infâmes parmi les Romains, mais seulement les Histrions ou Bateleurs. » pp. 188-216

Que les Acteurs des Poèmes Dramatiques n'étaient point infâmes parmi les Romains, mais seulement les Histrions ou Bateleurs. […] Elles punissent encore rigoureusement le Soldat qui vend sa liberté, ou qui exerce l'art des bouffons, sans rien dire contre ceux qui récitaient les Poèmes Dramatiques. […] propre, parce qu'ils y ont été célébrés les premiers ; et cette intelligence résulte des termes de la Novelle de Justinien qui y est conforme ; et de ce que les uns et les autres de ces Empereurs conjoignent ces Jeux avec les Combats de l'Arène, où la cruauté régnait comme l'impudence aux Jeux Scéniques, et sans que l'on y lise un seul mot concernant les Poèmes Dramatiques. […] Ainsi Tertullien appelle les Mimes des têtes infâmes et sans honneur, et ne dit rien de ceux qui représentaient les Poèmes Dramatiques. […] Mais pour donner encore plus de jour à l'explication de ces vieilles autorités, il en faut apporter qui ne puissent recevoir de contredit, employer des démonstrations infaillibles et non pas des conjectures, et faire voir par des preuves convaincantes que les Ecrivains des derniers siècles, qui ont étendu l'infamie des Scéniques, jusques sur les Représentateurs des Poèmes Dramatiques, n'ont jamais eu l'intelligence du Théâtre des Romains.

8. (1823) Instruction sur les spectacles « Table des chapitres. » pp. 187-188

Le but des auteurs et des acteurs dramatiques est d’exciter toutes les passions, de rendre aimables et de faire aimer les plus criminelles. 51 Chap.  […] Le caractère de la plus grande partie des spectateurs force les auteurs dramatiques à composer licencieusement, et les acteurs à y conformer leur jeu. 76 Chap.  […] Le repentir de quelques auteurs dramatiques d’avoir travaillé pour le théâtre doit nous engager à fuir ces divertissements. 183 [Chap. 

9. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre IV. Des Personnages. » pp. 239-251

d’ailleurs, les Poètes Dramatiques tiraient du contraste plusieurs avantages ; ils fesaient sortir avec force le principal caractère mis en action ; il semble qu’on en sentait un peu plus le ridicule ou le mérite. […] Diderot tombe dans le défaut qu’il a sujet de reprocher aux Auteurs dramatiques, on doit en conclure que ce défaut est difficile à éviter, & qu’on à lieu de craindre de le laisser glisser dans ses Ouvrages, si l’on ne se tient soigneusement sur ses gardes. […] Ce n’est pas seulement par le stile que les Poètes dramatiques différent les uns des autres. […] Les mœurs de chaque Nation font varier les tableaux dramatiques. Si l’on apperçoit des différences éssentielles dans la peinture que les Poètes d’un même pays nous font de leurs personnages ; on en découvre de plus frappantes dans les ouvrages dramatiques des Auteurs de chaque Nation.

10. (1777) Il est temps de parler [Lettre au public sur la mort de Messieurs de Crébillon, Gresset, Parfaict] « Il est tems de parler. » pp. 27-36

Néanmoins comme je crains de mal parler, je me servirai souvent des expressions des autres ; c’est-à-dire, je ne ferai aucune difficulté de transcrire des lignes, des phrases, des pages même de nos Héros de la Littérature, de nos Défenseurs de l’Art Dramatique, de nos Athletes intrépides du tripot Comique, qui sont, sans les nommer, MM. […] Je n’ai rien eu à démêler avec eux, Dieu-merci ; ce n’est donc point par vengeance secrette que je les attaque, c’est à cause du tort que leur domination fait à l’Art Dramatique : quoiqu’à bien considérer, pourquoi craindre les décrets d’un aréopage qui a refusé Mérope, qu’on a obligé de recevoir la Métromanie ? […] « Pour corriger cet abus, ne seroit-il pas possible que, parmi les Auteurs les plus estimés, on en choisît quelques-uns connus par leur goût, leurs lumieres & leur honnêteté, à qui seroit confié l’examen des Ouvrages Dramatiques, & le droit de prononcer sur leur refus ou leur acceptation. […] « La lice Dramatique, dit cet Auteur, est fermée tant par le nombre des athletes qui s’y présentent, que par la lenteur de ceux qui sont faits pour les seconder. […] Il a fait ses preuves de talens dans l’Art Dramatique ; on peut même en juger par les trois Piéces qui composent le premier volume de son Théâtre de Famille.

11. (1775) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-septieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — [Introduction] » pp. 2-9

Mais nos conquêtes ayant étendu notre domaine, agrandi notre ville, augmenté nos richesses, la vertu disparut, le libertinage regna ; & par une suite nécessaire, la licence s’empara du théatre, de la poësie, de la musique, accessit numerisque, modisque, licentia major  ; tout prit le goût & le ton de la débauche : des chants rendres, un langage efféminé, des gestes lascifs, des habits traînans, l’art dramatique ne fut plus que l’art de la corruption, sic prisca motumque & luxuriam addidit arti tibicen, traxitque vagus per pulpita vestem eloquium insolitam, &c. […] Horace ne cesse de parler de décence, dont il veut qu’un poëte dramatique suive toujours les loix, quid deceat quidnon, quò virtus quò ferat error . […] Horace veut que, pour se former, un poëte dramatique lise des bons livres : il ne pouvoit en choisir de meilleurs que les livres de Socrate, c’étoit les livres de dévotion du temps. […] Le Sieur Bernard, auteur dramatique & dactique, donne des leçons bien différentes. […] Les poëtes dramatiques se seroient-ils flattés de l’exception de cette regle.

12. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre XII. Que la représentation des Comédies et Tragédies ne doit point être condamnée tant qu'elle sera modeste et honnête. » pp. 237-250

accoutumé d'assister aux Combats de la lutte ; mais Auguste ne voulut pas souffrir qu'on exposât à leurs yeux des hommes tous nus, qui pouvaient offenser les sages, et flatter la débauche des autres, et remit au lendemain matin le combat des Athlètes, avec défense aux femmes de venir au Théâtre devant onze heures ; c'est ainsi qu'il en faut user pour les Poèmes Dramatiques, je veux dire en éloigner tout ce qui peut offenser les oreilles chastes, et l'honnêteté de la vie. […] Il est certain néanmoins que depuis quelques années notre Théâtre se laisse retomber peu à peu dans sa vieille corruption, et que les Farces impudentes, et les Comédies libertines, où l'on mêle bien des choses contraires au sentiment de la piété, et aux bonnes mœurs, ranimeront bientôt la justice de nos Rois, et y rappelleront la honte et les châtiments ; et j'estime que tous les honnêtes gens ont intérêt de s'opposer à ce désordre renaissant, qui met en péril, et qui sans doute ruinera le plus ordinaire et le plus beau des divertissements publics ; Car l'opinion des doctes Chrétiens, est que la représentation des Poèmes Dramatiques ne peut être condamnée quand elle est innocente, quand elle est honnête. […] Et pour ne pas abandonner entièrement cette dernière pensée favorable à la représentation des Poèmes Dramatiques, je l'appuierai seulement du témoignage de Saint Thomas, qui par sa profession2. 2. q. 168. 3. art. 3. […] Thomas parle des Histrions au sens des derniers siècles, et qu'il comprenne sous ce nom les Acteurs des Poèmes Dramatiques ; Car si l'on n'entendait par ce terme que les Mimes et les Farceurs, son autorité serait encore plus avantageuse aux autres, que l'on ne pourrait pas condamner contre la résolution de ce grand Théologien, qui serait favorable à ceux-là même que les Grecs méprisaient, que les Romains tenaient infâmes, et que jamais on ne leur doit comparer.

13. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Sommaire »

Sommaire De ce qui regarde les paroles dramatiques, on passe naturellement à ce qui concerne la Musique dans un Poème chantant. […] On rappelle que le chant dramatique doit être amené à propos, & qu’il doit être naturel autant qu’il est possible.

14. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome I « La criticomanie — Autres raisons à l’appui de ce sentiment, et les réponses aux objections. » pp. 154-206

C’est donc incontestablement les vices que les criticomanes dramatiques, auxquels on peut joindre l’action plus lente d’auxiliaires romanciers, ont perfectionnés par leurs inventions ingénieuses, par leurs tableaux superbes et savants d’événements aussi rares qu’odieux. […] Il est donc superflu de leur opposer que ce sont les lumières de l’expérience que nous avons plus qu’eux, qui invoquent un ordre nouveau à cet égard, ou quelque réforme dont leur exemple même, au surplus, démontrait déjà la nécessité ; car, que furent pendant les derniers temps de leur existence ces peuples de l’antiquité qui ont eu leurs Antisthènes dramatiques comme nous, qui ont été aussi fous que nous de comédies et de comédiens, qui couraient de même s’instruire aux spectacles ? […] On a dit dès lors à peu près comme on dit aujourd’hui en leur faveur, que les ouvrages dramatiques sont la plus précieuse, la plus salutaire, la plus substantielle nourriture qu’on puisse donner à notre âme et à notre esprit ; qu’on trouve dans leur recueil un cours complet de morale, les tableaux touchants des plus sublimes vertus, la peinture fidèle des mœurs, les observations les plus profondes sur les faiblesses humaines, les travers et les vices combattus avec l’arme du ridicule par des satires sanglantes ; les grands hommes ressuscités avec leur caractère, et leurs formes imposantes. […] Mais ce plaisir ne m’a jamais empêché de voir le côté dangereux de la leçon ; c’est pourquoi je n’en demeure pas moins convaincu que sous le rapport que je le considère, l’art dramatique, bien que le plus ingénieux et le plus piquant que l’esprit humain ait inventé, divertit mieux qu’il n’instruit, mieux qu’il ne réforme, si l’on veut ; que l’amusement qu’il procure a coûté infiniment aux mœurs ; qu’il est un obstacle à leur restauration, et que, par conséquent, il est nécessaire au retour de l’ordre si ardemment désiré, non pas de le proscrire, comme il y en a qui le prétendent, je crois cela aussi difficile à présent que de faire reculer la civilisation, mais d’en modifier le système, d’en borner et régler plus sévèrement la jurisdiction, pour arrêter ici la tradition de ses mauvais résultats. […] Les excès multipliés de plusieurs membres du clergé, dévots par profession, les grands scandales de prélats, de princes même de l’église, ont fait peu de mal à la religion, constatés et transmis, pendant des siècles, par des voies ordinaires ; au lieu que la peinture dramatique de la perfidie d’un misérable clerc l’a ébranlée jusques dans ses fondements !

15. (1790) Sur la liberté du théatre pp. 3-42

Ceux qui conviennent de la nécessité de la concurrence pour les progrès de l’art dramatique, prétendent qu’on doit se borner à l’érection d’un autre grand théâtre. […] Avancer que le grand nombre des acteurs nuira aux progrès de la déclamation, c’est comme si l’on disoit que le grand nombre des auteurs dramatiques est la cause de la décadence du théâtre. […] Il suffit de jeter les yeux sur la note (14), pour sentir tout le ridicule des priviléges dramatiques. […]   Nos chefs-d’œuvres dramatiques constituent le théâtre de la nation, dans quelque pays du monde qu’on les lise ou qu’on les joue. […] Le théâtre est sûrement une maniere de publier sa pensée ; ainsi un auteur dramatique ne doit rendre compte de sa pensée qu’à la loi.

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