Les Comédiens étoient Chinois, & la Tragédie fut précédée d’une Comédie à la Chinoise.
Quand je lis dans Homere les fureurs d’Achile, comme je lis tranquillement, j’ai le tems de réflechir, & de le condamner ; mais un Spectateur n’a pas le tems de réfléchir, & un habile Comédien le pénetre malgré lui, de tout ce qu’il prononce, Le jeu des Passions saisit le Spectateur, Il aime, il hait, il craint, & lui-même est Acteur.
C’est là que la volupté entre par tous les sens, que tous les arts concourent à l’embellir, que la poésie ne rime presque jamais que l’amour et ses douceurs ; que la musique fait entendre les accents des passions les plus vives ; que la danse retrace aux yeux ou rappelle à l’esprit les images qu’un cœur chaste redoute le plus ; que la peinture ajoute à l’enchantement par ses décorations et ses prestiges ; qu’une espèce de magie nous transporte dans les pays des fées, à Paphos, à Cythère, et nous fait éprouver insensiblement toute la contagion de l’air impur qu’on y respire ; c’est là que tout nous dit de céder sans résistance aux attraits du penchant ; c’est là que l’âme amollie par degrés perd toute sa force et son courage ; qu’on languit, qu’on soupire, qu’un feu secret s’allume et menace du plus terrible embrasement ; que des larmes coulent pour le vice, qu’on oublie ses vertus, et que, privé de toute réflexion, réduit à la faculté de sentir, lié par de honteuses chaînes, mais qui paraissent des chaînes de fleurs, on ne sait pas même s’indigner de sa faiblesseau. » Aussi Riccoboni, auteur et comédien tout à la fois, après être convenu que, dès la première année qu’il monta sur le théâtre, il ne cessa de l’envisager du mauvais côté, déclare qu’après une épreuve de cinquante années, il ne pouvait s’empêcher d’avouer que rien ne serait plus utile que la suppression entière de tous les spectacles.
On vous voit offrir vos prières à Dieu dans l'Eglise, et quelque temps après on vous voit assister aux spectacles, et mêler votre voix avec les cris dissolus des comédiens.
Ces préceptes nous obligent à n’aimer que Dieu ou ce qui tend à lui, n’avoir joie, ni tristesse, ni autre passion que pour lui ou pour son service, ne penser qu’à lui ou à ce qui est référé à lui, n’agir que pour lui ou pour ce qui peut réussir à sa gloire ; et vous m’avouerez que ce n’est pas pour Dieu que vous allez au bal, car on n’y pense point à Dieu ; vous n’y avez point d’affection ni de passion pour Dieu, rien ne s’y fait qui tende à sa gloire, ni de près ni de loin, ni médiatement ni immédiatement : vous m’avouerez que l’argent que vous donnez pour les violons, les comédiens et les cuisiniers, soulagerait notablement un pauvre ménage.
Les Comédiens diminuerent le dividende selon l’usage. […] Il se répandra, il se multipliera de toutes pars, tout deviendra Comédien à mesure qu’il deviendra vicieux, & il deviendra plus vicieux, à mesure qu’il deviendra plus Comédien. […] Une Troupe de Comédiens étant venus dans la ville de… offrir au public ses Actrices, s’imaginant qu’en flatant les Protestans dont cette ville est pleine, le parterre & la bourse seroient mieux remplis, annonça l’Honnête-Criminel. […] Les Comédiens userent de la même charlatanerie en l’annonçant & la faisant débiter par un Colporteur ; ils disoient tout bas, & le public disoit d’après eux sur les toits, cette piece nouvelle que personne ne connoissoit, est l’apologie de Calas & du Calvinisme, & la censure des Catholiques & de leur persécution.
On nous donne pour raisonnable dans la même pièce, la démarche d’une fille de condition qui va tous les soirs en sécret apprendre à déclamer un compliment de trente lignes pour son père, chez un jeune homme, jadis comédien, de qui elle est respectée. […] Comme le mépris qu’on a en France pour la profession de comédien est double pour ceux des Théâtres subalternes, ils s’embarrassent peu de montrer de la pudeur et de la retenue, de quoi on ne leur tiendroit pas compte. […] On a prétendu justifier par ce raisonnement, le théâtre en général, mais le métier de Comédien inférieur a cet inconvénient particulier, que les émolumens, à quelques exceptions prés, y sont fort modiques.
Dans les derniers spectacles de celle dite Saint-Germain, les trois pièces qui figuraient le plus souvent ensemble sur l’affiche (mais beaucoup moins souvent que la Petite Sœur, le Mariage Enfantin, le Comédien d’Étampes, sur celle du Gymnase), étaient d’abord : ce bon Roi, dont le règne exemplaire lui valut le surnom de père du peuple32, qui faisait applaudir à ses vertus, précédé ou suivi de Cartouche 33, et des Amours de Montmartre 34. […] Ses jeux de nuit60, jadis amusèrent la ville et encore plus la cour ; plus corrompus, mais plus susceptibles que nos pères, nous crierions au scandale si, de nos jours, on tolérait de telles licences ; et nous avons des académies clandestines, dans lesquelles on s’expose journellement à de plus grands dangers qu’aux représentations de nuit de l’après-souper de l’Hôtel Soissons 61, du Dîner des dupes 62, de la Matinée du comédien 63, et de l’Ane et le procureur 64. […] Mais aussi quelle gloire pour l’homme passible, dont la justice déjouerait toutes les manœuvres de l’intrigue, veillerait à ce que la classe comédienne, dégradée par des actions viles et méprisables d’une partie de ses membres, tienne enfin dans la société, le rang que ses vertus lui assignent !
Le Poéte & le Comédien s’animerent d’une ardeur mutuelle ; l’un substitua la régularité du plan, une diction noble, l’éclat des pensées, aux licences extravagantes, aux sujets peu convenables, à un badinage grossier ; l’autre, au lieu de la bouffonnerie trivialle, des contorsions, des grimaces, donna à son jeu une action honnête, une déclamation aisée, des gestes expressifs.
Si j’avois quelque crédit sur l’esprit des Comédiens, je leur dirois : « Vous voulez de l’argent Messieurs ?