On se trompe si on veut parler de la tragédie : car ce qui nous reste des anciens païens en ce genre-là, (j’en rougis pour les chrétiens) est si fort au-dessus de nous en gravité et en sagesse, que notre théâtre n’en a pu souffrir la simplicité. […] : et les chrétiens ne comprendront pas combien ces émotions sont contraires à la vertu ?
On a beau lui dire que, puisqu’il ne doit pas répondre à la candeur publique, il devrait laisser à nos évêques et à nos prélats le soin de sanctifier nos mœurs, il soutient que c’est le devoir d’un chrétien de corriger tous ceux qui manquent, et sans considérer qu’il n’est pas plus blâmable de souffrir les impiétés qu’on pourrait empêcher que d’ambitionner à passer pour le réformateur de la vie humaine, il vient de composer un livre où il se déclare le plus ferme appui et le meilleur soutien de la vertu. […] Il s’est si bien imaginé que c’est une charité des plus chrétiennes de diffamer un homme pour l’obliger à vivre saintement, que si cette manière de corriger les hommes pouvait avoir un jour l’approbation des docteurs et qu’il fût permis de juger de la bonté d’une âme par le nombre des auteurs que sa plume aurait décriés, je réponds, de l’humeur dont je le connais, qu’on n’attendrait point après sa mort pour le canoniser. […] Notre auteur trouve que la morale en aurait été bien plus belle et les sentiments plus chrétiens, si ce jeune éventé se fût retiré de ses débauches et qu’il eût été touché de ce que Dieu lui disait par la bouche de son père ; et si on lui montre qu’il est de l’essence de la pièce que le foudre écrase quelqu’un, et que par conséquent il nous faut supposer un homme d’une vie déréglée et qui soit toujours insensible aux bons mouvements, lui dont les soins ne butent qu’àb la conversion universelle nous répliquera sans doute que l’exemple n’en aurait été que plus touchant si, malgré cet amendement de vie, il n’avait pas laissé de recevoir le châtiment de ses anciennes impudicités. […] Il est vrai que votre passion vous aveuglait beaucoup ; car, puisque ce grand prince, si chrétien et si religieux, ne s’éclaire que par lui-même, vous deviez considérer que les matières les plus embrouillées étaient fort intelligibles pour lui, et que par conséquent vos accusations ne serviraient que pour convaincre d’une malice d’autant plus noire que le voile que vous lui donniez était trompeur et criminel. […] Il faut pourtant s’en consoler, on a toujours mauvaise grâce de s’opposer au devoir d’un chrétien.
& que les Dieux, sur notre Théâtre, figurent assez mal, un nouveau Chrétien, qui assistoit à ces Spectacles, n’étoit pas moins irrégulier qu’un Juif, qui de nos jours seroit nouvellement converti, & que nous verrions retourner à la Synagogue. […] L’Eglise, qui voyoit dans des Chrétiens, de nouveaux Gladiateurs déjà condamnés par les Peres, n’a cessé de fulminer contre ces Jeux, pendant le tems immense qu’ils ont duré. […] Au grand Conti, enfin, on peut opposer le grand Condé, qui, quoique pénétré des sentimens les plus Chrétiens, qu’il a fait éclater dans un Testament le plus édifiant & le plus judicieux du monde, a toujours été le Protecteur des Théâtres, & des bons Ouvrages en tous genres. […] Huet, Evêque d’Avranches, qui, dans sa Lettre sur les Romans, nous fait entendre que l’Allégorie, que l’Ironie même sont permises ; & que ces deux figures n’ont point été bannies de ce Livre sacré, dont toutes les expressions sont si sublimes & si mesurées, dans le Livre enfin le plus cher aux Chrétiens. […] Chez les premiers Chrétiens, de l’impureté, de l’idolâtrie, & des abominations des derniers tems de l’Empire de Rome.
» Cette réflexion très vraie, très chrétienne, vient très à propos dans la vie de S. […] Julien l'Apostat sans doute, car c'était un bon moyen pour affaiblir le christianisme ; et tout ce que les saints Pères et alors et dans tous les temps ont écrit contre le théâtre, ne permet pas de douter que l'Eglise n'eût condamné l'entreprise de ces savants Chrétiens. […] Les Chrétiens sous cet Empereur n'étaient pas les maîtres des théâtres, et ne s'étaient pas encore avisés d'en construire de particuliers dans les Collèges, et ce Prince ne l'aurait pas souffert. […] » M. de Fleury ajoute cette réflexion, qui vaut bien celle du Journaliste : « Après ces paroles de Julien, on ne doit pas s'étonner que les spectacles fussent défendus aux Chrétiens. » Tout cela suppose en effet que les Chrétiens n'allaient jamais aux spectacles, que l'Eglise le leur avait toujours défendu ; et n'en eût-elle pas fait encore la défense, elle aurait dû pour son honneur ne pas se montrer moins zélée pour la pureté qu'un Empereur Païen et apostat.
Tais-toi, voix sépulcrale ; Chrétiens & Citoyens, nous croyons que le sang ne doit couler que pour la Religion & la Patrie. […] ) qu’ il n’est pas permis de le nommer parmi les Chrétiens : Grand Dieu ! […] naturellement Chrétienne, a donc déposé toujours malgré lui en faveur de la vérité. […] Tous ont des ames naturellement chrétiennes, & par conséquent ne peuvent s’empêcher au moins de penser de même. […] Quels sont mes vœux enfin pour Paris & le Royaume Chrétien dont il est la Capitale, qui ne soient ceux de nos Sçavans mêmes pour Geneve & sa République Socinienne ?
Nous nous ferons beaucoup de plaisir de profiter dans cette occasion des Règlements si sages et si chrétiens qui ont été faits depuis quelques années sur ce même sujet dans une des Universités du monde la plus fameuse et la plus célèbre, et d’en tirer une partie de ceux que nous croyons devoir faire pour notre Diocèse, et que nous ordonnons que l’on y observe. […] » Nous croyons devoir exhorter les Régents qui seront chargés de ces sortes d’ouvrages, de ne pas y donner si fort leur temps, qu’ils oublient le soin qu’ils doivent prendre de leurs Ecoliers ; et de se souvenir qu’ils doivent s’appliquer beaucoup plus à les rendre de bons Chrétiens, qu’à en faire de bons Acteurs. […] Ce sont ces lâches condescendances sous le vain prétexte de s’accommoder à de mauvais usages et de conserver une fausse paix, qui sont la source féconde et malheureuse du relâchement que nous avons vu de la Morale Chrétienne dans notre temps, et de la réforme de tant de Compagnies qui ne se sont perdues que par là.
En vain ai-je essayé de leur démontrer l’inconséquence de leurs raisonnements, et l’impossibilité d’accorder la vanité de l’amour propre, avec un aveu aussi humble et aussi chrétien qui l’écrase et qui l’atterre, qui soule aux pieds des lauriers cueillis, et ceux dont vous êtes encore en état de vous couvrir. […] Bornés aux seuls plaisirs d’amusements, leurs plus chères délices, ils s’élèvent avec fureur contre la chimère des vertus chrétiennes dont ils font gloire de fronder l’élévation et la dignité, et leur incompatibilité avec toute fausse modestie. […] Vous nous promettez une Edition de vos Œuvres, revue et examinée, le flambeau de la Morale chrétienne à la main. […] Quels regrets pour les vrais Chrétiens, qu’un génie d’une trempe aussi forte, et un si homme de bien, vive et meure victime des ténébres de l’erreur !
Les Docteurs en Théologie de Paris qui ont vu l’exposé ci-dessus, sont d’avis qu’on ne peut accorder les Sacrements à ceux qui jouent, ou qui font jouer la Comédie intitulée le Festin de Pierre, ils les en croient indignes, comme gens qui servent à entretenir le crime ; car ç’a toujours été une doctrine constante dans l’Eglise, que nul Chrétien ne peut ni représenter, ni même assister comme simple spectateur à la représentation des Pièces de Théâtre qui sont remplies d’intrigues amoureuses et d’impiété. […] » Ajoutons à ces autorités celle du troisième Concile de Milan dans la quatrième partie des Actes de l’Eglise de Milan page 485. qui s’exprime en ces termes : « Que le Prédicateur ne cesse de reprendre ces assemblées qui servent d’amorce aux péchés publics, et que les hommes accoutumés au mal comptent pour rien ; qu’il tâche d’en inspirer la plus grande horreur ; qu’il fasse voir combien Dieu y est offensé, combien de maux, de calamités publiques, et de dommages ils attirent sur les Royaumes ; qu’il témoigne en toute occasion combien on doit détester les spectacles, les Comédies, les jeux publics qui tirent leur origine des païens, et qui sont entièrement opposés à l’Evangile et aux règles de la discipline chrétienne ; qu’il représente souvent les châtiments publics que ces désordres attirent sur le peuple chrétien ; et pour fortifier les fidèles dans une doctrine si importante, qu’il emploie l’autorité très respectable des Pères, tels que sont Tertullien, Saint Cyprien, Salvien, Saint Chrysostome. […] » Sur ces règles si saintement établies pour l’utilité des Chrétiens, par la tradition de tous les siècles, il est aisé de voir quel jugement on doit faire de la Comédie qui a pour titre le Festin de Pierre ; comme il n’y en a point qui soit plus remplie d’obscénité, d’impureté et d’impiété, on peut dire qu’elle porte sur le front sa condamnation.
Les conciles d’Elvire, d’Arles, les placent en dehors de la communion chrétienne, et Charlemagne les poursuit de ses ordonnances. […] C’est sur cette législation protectrice des bonnes mœurs à une époque reculée et dirigée de concert par l’Etat et par l’Eglise contre des excès répréhensibles, que se fondent les membres du clergé actuel pour refuser la sépulture chrétienne aux comédiens morts sans avoir abjuré. […] Et toutefois il y a là une grave erreur ; car si l’on suit avec attention l’histoire dramatique des siècles postérieurs, il devient évident que c’est par une fâcheuse méprise qu’on a cru voir le berceau de nos comédiens modernes parmi ces troupes d’histrions anathématisés dès les premiers âges de l’ère chrétienne ; qu’on ne peut, sans mauvaise foi, les regarder comme les successeurs de ces derniers, et qu’il serait tout au plus permis de considérer comme tels ces acteurs en plein air, dont les parades précèdent dignement la représentation en cire de la Chaste Suzanne ou du Jugement de Salomon. […] En faut-il davantage pour démontrer combien il est absurde de vouloir appliquer aux artistes de nos jours les foudres lancées par les évêques des troisième et quatrième siècles de l’ère chrétienne contre les bateleurs gallo-romains ?
Un vrai Chrétien est donc un homme qui n’est occupé qu’à bénir la main toute-puissante qui l’a arraché à l’Enfer ; qui a abbatu le mur de séparation, que ses infidélités avoient élevé entre le Seigneur & lui, & qui a fait sa paix avec Dieu. […] Mais un Chrétien qui désire sincérement de conserver ou de recouvrer la justice, a-t-il des combats à essuyer, a-t-il des combats à essuyer, a-t-il des obstacles à vaincre ?