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6. (1738) Sentimens de Monseigneur Jean Joseph Languet Evéque de Soissons, et de quelques autres Savans et Pieux Ecrivains de la Compagnie de Jesus, sur le faux bonheur et la vanité des plaisirs mondains. Premiere partie « Sentimens de quelques ecrivains De la Compagnie de Jesus, Touchant les Bals & Comedies. Premiere Partie. — Entretien troisieme. Le danger des Bals & Comedies découvert par l’Auteur des Sermons sur tous les sujets de la morale Chrétienne de la Compagnie de Jesus. » pp. 26-56

Car que voit on en ce tems autre chose, que des objets capables de nous seduire, & de nous inspirer l’amour de la vanité ? […] Il ne faut donc pas s’étonner, si les Peres de l’Eglise ont rempli leurs écrits d’invectives les plus sanglantes, & d’expressions les plus fortes & les plus capables d’en donner de l’horreur aux Chrétiens, qui couroient alors aux Theâtres avec une passion, qu’ils avoient bien de la peine à reprimer. […] Premierement la disposition de ceux qui y assistent, lorsque par leur foiblesse, ils sont susceptibles de toutes les impressions, que ces spectacles sont capables de faire sur leurs esprits ; c’est ce qu’on appelle s’exposer à l’occasion du peché. […] En un mot, ce que l’on voit, & tout ce qu’on entend dans ces cercles si galants & si enjouez, n’est-il pas capable d’inspirer une passion, que l’on cache avec tant de soin, & que l’on déguise sous des noms specieux, pour en cacher la honte ? […] Où est-ce qu’il a plus de charmes, & plus capables de seduire, que dans ces assemblées, dans ces cercles, dans ces spectacles, qui ne sont faits que pour plaire ; & où le monde se fait voir par l’endroit qu’il est le plus riant, par ce qu’il a de plus agreable & de plus divertissant.

7. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre V. De l'impudence des Jeux Scéniques. » pp. 104-134

Mais comme ils ne savaient pas la manière de les faire, et qu'ils n'avaient point d'Acteurs, ils eurent recours aux Etruriens qui les en instruisirent, et leur donnèrent des gens capables de les jouer et de les bien exécuter, selon l'intention qu'ils avaient ; et ces gens furent nommés Histrions, selon la langue des Etruriens, comme nous dirons ci-après, parce qu'ils nommaient Istres ceux que les Romains nommaient Ludions. […] Donc pour le joindre de près, il suffira d'expliquer ici que jamais l'impudence de la débauche n'inventa rien de plus détestable que ces jeux, et que l'honnêteté n'en peut souffrir le discours ni la pensée ; il ne se trouva point de gens assez effrontés capables de divertir le peuple par bouffonneries, par Danses, par grimaces, par le récit de toute sorte de lascivetés, par l'image des actions que l'iniquité couvre même de la nuit et du silence, dont le peuple ne voulût composer cette horrible dévotion. […] Ils y faisaient aussi paraître les hommes monstrueux de corps, et dont le seul aspect était capable de faire rire, avec ces Innocents ou Idiots, qui servaient assez souvent de jouet et d'entretien familier aux grands Seigneurs de ce temps-là, comme nous en voyons encore en celui-ci. […] , c'est-à-dire Farceurs, Bateleurs et Bouffons, monstres de la nature ou de la morale, capables de donner quelque impertinent plaisir à la plus vile populace ; Et ce sont là véritablement ceux que l'on nommait Histrions, Scéniques ou Scénatiques, gens de scène ou de Théâtre, pratiquant l'art de jouer, bouffonner, et faire montre de leurs corps, par des postures insolentes, et par de ridicules plaisanteries. […] Elle était célébrée par les Ecclésiastiques dans les Eglises durant le service Divin, avec des masques de figure bizarre, et des habillements de femmes et de fripons ; et en cet équipage ils dansaient à la mode des Histrions, et leurs danses étaient accompagnées de chansons malhonnêtes ; et sans avoir aucune honte, ils couraient la Ville et les Théâtres, et faisaient rire les Spectateurs par des gestes impudents, par des paroles indignes de leur profession, et par d'autres abominations, dont la pensée est capable de faire rougir.

8. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XIV. Réponse a l’objection qu’il faut trouver du relâchement à l’esprit humain : que celui qu’on lui veut donner par la représentation des passions est réprouvé même par les philosophes : beaux principes de Platon. » pp. 58-60

répond, que sans courir au théâtre, nous trouverons la nature si riche en spectacles divertissants, et que d’ailleurs la religion et même notre domestique sont capables de nous fournir tant d’occupations où l’esprit se peut relâcher, qu’il ne faut pas se tourmenter pour en chercher davantage : enfin que le chrétien n’a pas tant besoin de plaisir, qu’il lui en faille procurer de si fréquents et avec un si grand appareil. […] Il concluait donc à rejeter tout ce genre de « poésie voluptueuse, qui, disait-il, est capable seule de corrompre les plus gens de bien ».

9. (1760) Lettre à M. Fréron pp. 3-54

Si par rapport à cet homme, le Théâtre n’a pas l’avantage de le porter à faire le bien, n’est-il pas toujours d’une grande considération qu’il soit capable de l’empêcher de faire du mal, et n’est-ce pas une nécessité que d’employer tous les moyens possibles d’empêcher les méchants de se livrer au mal ? […] Sa probité, ses mœurs et sa vertu prouvent authentiquement qu’il s’en faut bien que le Théâtre soit capable de corrompre un cœur bien fait ; c’est Mr. de Crébillon, osera-t-on rejetter l’opinion de ce Grand homme. […] Rousseau ce féroce ennemi des spectacles ne dit-il pas lui même que le Théâtre est capable d’empêcher les mauvaises mœurs de dégénérer en brigandage. […] Il fera bien, je le répète : on doit préferer le mieux au bien ; mais on ne doit pas abandonner le bien quand on n’est pas capable du mieux. […] L’orgueil est un amour propre excessif qui nous fait croire que nous sommes toujours supérieurs aux autres, ou qui, malgré notre persuasion intérieure du contraire, nous porte à ne pas avouer notre infériorité et à faire tous les efforts dont nous sommes capables pour humilier les autres.

10. (1697) Essais de sermons « POUR LE VINGT-TROISIÈME DIMANCHE D’APRÈS LA PENTECÔTE. » pp. 461-469

Mais qui sont ceux qui sont capables de faire ces réflexions ? Ce ne sont pas les pécheurs, ce ne sont pas les mondains, il n’y a que les gens de bien ; et si les gens du monde n’en sont pas capables, ce n’est pas pour eux que Saint François de Sales a cette tolérance. S’il souffre que ceux qui sont capables de faire ces réflexions aillent au bal et à la comédie, il ne souffre pas la même chose aux autres. […] Saint Jerôme parlant des danseurs, dit que « c’est le démon qui danse dans leurs personnes, et qu’il se sert de ces lâches ministres pour seduire et tromper les hommes. » « His tripudiis diabolus saltat, his dæmonum ministris homines decipiuntur. » En effet tout ce que la volupté impudique est capable d’employer d’artifice, est attaché au bal, à la danse et à la comédie.

11. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — TROISIEME PARTIE. — Tragédies à conserver. » pp. 128-178

En effet, rien n’est plus capable de nous inspirer une crainte salutaire de l’amour que les excès et les transports effrénés où cette passion entraîne les trois principaux Acteurs de la Tragédie d’Andromaque ; et leur misérable sort devient une excellente leçon pour nous corriger par les impressions de la terreur. […] De plus, cette passion excite différents sentiments et différentes impressions dans les Spectateurs mêmes ; tantôt elle corrige par l’horreur, comme dans Andromaque et autres Pièces du même genre, où les Amants éprouvent les derniers malheurs, et sont punis de leur passion par la perte même de la vie ; tantôt elle corrige par la compassion, comme dans le Cid, où les traverses, qui rendent les deux Amants malheureux, sont d’autant plus propres à corriger, que les Scènes d’amour de la même Tragédie en sont plus capables de corrompre, et le dénouement plus dangereux. […] Rien ne me semble, en effet, plus capable d’alarmer les consciences délicates, que ces deux vers de la dernière Scène entre Polyeucte et Pauline. […] Je suis donc persuadé que cette Tragédie doit rester au Théâtre, comme un ouvrage qui non seulement ne peut pas avoir de suites dangereuses, mais qui, au contraire, est très capable de produire un grand bien. […] Après cette espèce de protestation, je dirais que le Brutus de M. de Voltaire me paraît composé précisément comme il doit l’être, pour nous fournir l’exemple d’un amour capable de corriger et d’instruire En effet, l’amour violent de Titus et de Tiberinus, tous deux fils de Brutus, pour Julie fille de Tarquin, est porté à un tel excès dans cette Pièce, qu’il mérite d’être présenté aux Spectateurs ; afin que chacun d’eux conçoive une juste horreur pour une passion capable d’entraîner après elle tant de crimes et tant de malheurs.

12. (1694) Sentiments de l’Eglise et des Pères « PRÉFACE. » pp. 3-6

Mais comme les raisons contenues dans la Lettre, dont il s’agit ici, quoique frivoles et peu solides, sont néanmoins assez plausibles ; et que le nom fastueux de Théologien Illustre, non moins par sa qualité, que par son mérite, est capable d’imposer aux esprits faibles, et peu éclairés ; des personnes qui tiennent un rang assez considérable dans l’Eglise, ont jugé à propos de le donner au Public. […] L’on a déja fait à la vérité plusieurs excellents écrits sur le sujet de la Comédie, qui sont comme autant de flambeaux capables de dissiper les ténèbres de ceux qui aiment ce vain amusement ; mais comme les goûts des hommes sont différents, j’espère que celui-ci, ne laissera pas d’être utile, d’autant qu’il peut servir de Décision sur cette matière, puisqu’il est fondé sur l’Ecriture Sainte, les Conciles et les Pères de l’Eglise ; C’est pourquoi il y a tout lieu de croire que Dieu y répandra sa bénédiction.

13. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre XIV. La fréquentation des spectacles ne peut se concilier avec la vie et les sentiments d’un véritable chrétien. » pp. 118-132

N’est-il pas indigne d’un chrétien, dont les pensées doivent être toutes saintes, d’aller écouter des maximes pernicieuses, d’autant plus propres à corrompre le cœur, qu’elles sont présentées d’une manière plus ingénieuse et plus capable d’en imposer ? […] Remarquons d’abord que nous avons en nous-mêmes un fond de corruption, que nous portons avec nous une malheureuse concupiscence capable de nous livrer aux plus affreux excès, si on n’a soin de la réprimer, une concupiscence que nous avons promis solennellement de combattre, et à la destruction de laquelle sont attachées les couronnes dont jouissent tant de saints ; une concupiscence que la moindre parole excite, que le moindre objet allume, dont les Hilarion, les Antoine, les Paul ont gémi plus d’une fois ; c’est ce souffle de Satan dont l’apôtre saint Paul priait le Seigneur de le délivrer ; c’est le malheureux apanage de la nature corrompue qui doit coûter tant de violence ; c’est le vieil homme, sur les débris duquel doit s’élever l’homme nouveau, et que nous ne saurions vaincre qu’en mourant sans cesse au péché et à tout ce qui peut nous y porter. […] N’est-ce pas là que, par des peintures vives qu’on y fait, les passions s’excitent dans notre âme, et que le cœur, bientôt capable de tous les sentiments qu’un acteur exprime, passe tour à tour de la tristesse à la joie, de l’espérance à la crainte, de la pitié à l’indignation ? […] Si des plaisirs si cruels, qui ne devaient inspirer que de l’horreur, étaient capables de produire de tels effets, que sera-ce des spectacles de nos jours, où, loin de révolter, tout amollit et flatte, où l’on n’éprouve que les attaques d’une insinuante volupté ?

14. (1762) Apologie du théâtre adressée à Mlle. Cl… Célébre Actrice de la Comédie Française pp. 3-143

Mais quand on pense différemment, il est difficile de tenir à l’envie naturelle d’en faire preuve : en est-on au reste capable ? […] Le Théâtre dans son institution est un Badinage Académique susceptible de gloire pour l’Acteur, & capable d’amusement pour le Spectateur. […] Tout son feu est consentré sans sa tête : rien n’est capable de le rappeller dans l’extérieur de sa personne, ni de l’y distribuer. […] Quels sont les objets capables de le rappeller subitement à lui, si ce n’est son caractere, sa vie même ? […] Dans tout cela qui a-t-il qui soit capable de toucher, d’intéresser le cœur ?

15. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Onzième Lettre. De madame Des Tianges. » pp. 244-249

Il atteint vingt-deux ans, est assez bien fait ; il a l’œil ardent plutôt que vif, le caractère sombre ; je crois que ses passions seront intraitables : l’amour les absorbe toutes aujourd’hui, heureusement pour un objet capable de lui faire aimer la vertu ! […] Monsieur , malgré ses défauts, il est encore le seul homme capable de rendre Ursule heureuse.

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