Après avoir purgé la doctrine de Saint Thomas des excès dot on la chargeait, à la fin il faut avouer avec le respect qui est dû à un si grand homme, qu’il semble s’être un peu éloigné, je ne dirai pas des sentiments dans le fond, mais plutôt des expressions des anciens pères sur le sujet des divertissements. […] Je dirai donc avant toutes choses, que je ne sais aucun des anciens, qui bien éloigné de ranger les plaisanteries sous quelque acte de vertu, ne les ait regardées comme vicieuses, quoique non toujours criminelles, ni capables de damner les hommes. […] On a déjà vu, que c’est d’Aristote que ce Père a pris l’étymologie de l’eutrapélie : ainsi en toutes manières, il le regardait dans cette homélie, et ceux qui connaissent le génie de Saint Chrysostome, dont tous les discours sont remplis d’une érudition cachée sur les anciens Philosophes, qu’il a coutume de reprendre sans les nommer, n’en douteront pas.
Dans [G], des Théâtres des Anciens. […] Dans [K], des Masques des Anciens.
Il y a longtemps que j’ai observé que nos anciennes pièces de théâtre qui ont le plus réussi il y a 80 ans mériteraient d’être perfectionnées quelque temps après la mort des Auteurs, du moins par rapport aux mœurs, d’un côté la langue change et de l’autre la raison croît et le goût se raffine ; il nous paraît aujourd’hui dans ces pièces des défauts, qui ne paraissaient point à nos pères, gens d’esprit, il y a cinquante ans : or ces pièces ainsi perfectionnées vaudraient ordinairement beaucoup mieux, soit pour le plaisir, soit pour l’utilité de l’auditeur, que les pièces nouvelles, c’est qu’il est bien plus facile au même Auteur de perfectionner un ouvrage qui a déjà plusieurs beautés et d’en faire un excellent que d’en faire un tout neuf qui soit exempt de défauts, et rempli de plus grandes beautés et en plus grand nombre que l’ancien qui était déjà fort bon. Je sais bien qu’un nouvel Auteur peut traiter le même sujet que l’ancien, mais de peur de passer pour plagiaire, il évitera de copier les plus belles scènes et de se servir des plus beaux vers ; il fera peut-être mieux à tout prendre que l’ancien Auteur, qui a traité le même sujet, mais sa pièce aurait été beaucoup meilleure, s’il avait pu sans scrupule et sans rien diminuer de sa réputation se servir de tout ce qu’il a trouvé d’excellent dans l’ancienne pièce ; or pour cela il faudrait qu’il lui fût imposé par un prix proposé de perfectionner telle pièce, alors il ne perdrait rien des beautés de telle pièce de Corneille, de Racine, de Molière et de leurs successeurs, ou s’il se trouvait forcé de perdre quelques-unes de ces beautés, il leur en substituerait de plus grandes et y en ajouterait de nouvelles.
Les Chœurs chez les anciens jouoient un très-grand rôle : c’étoit le principal acteur, il entroit dans toute l’action, il en faisoit partie. […] Nous n’avons plus des chœurs comme les anciens, cette lueur même momentanée est éclipsée ; nous avons seulement dans les opéras une sorte de chœur qui est fort peu soumis aux loix d’Horace. […] Dacier & bien d’autres prétendent que nous perdons beaucoup en supprimant les chœurs des anciens, que le spectacle en est moins vraisemblable, moins frappant, moins riche en idées, en sentimens. […] Du cœur naissent les mauvaises pensées, les discours scandaleux, les écrits licentieux ; mais l’homme de bien tire de son trésor des choses anciennes & nouvelles : c’est l’Evangile.
La Danse Religieuse & Sacrée, est la plus ancienne de toutes, & la source de toutes les autres. […] Dans toutes les Religions anciennes, les Prêtres furent Danseurs par état. […] Il n’est donc pas étonnant que les Chrétiens eux-mêmes, en purifiant par une intention droite une institution aussi ancienne, l’eussent adoptée, dans les premiers temps de l’établissement de la Foi. […] C’est-là qu’à l’exemple des Prêtres & des Lévites de l’ancienne Loi, le Sacerdoce de la Loi nouvelle formait des Danses sacrées… Chaque Fête avait ses Hymnes & ses Danses ; les Prêtres, les Laïcs, tous les Fidèles dansaient pour honorer Dieu ; si l’on en croit même le témoignage de Scaliger, les Evêques ne furent nommés Præsules, dans la Langue Latine, de Præsilire (sauter devant, ou le premier) que parce qu’ils commençaient la Danse.
Pour bien entendre ce que dit ici Tertullien, il faudrait savoir quelle était la figure des anciens amphithéâtres. […] Ces étages étaient coupés en quelques endroits par des escaliers pour la commodité du passage des spectateurs ; et comme ces escaliers tendaient droit au centre de l'amphithéâtre, ils donnaient une forme de coin à ce grand amas d’étages dont nous venons de parler, et que les anciens appelaient cunei spectaculorum. […] Si l’on veut savoir quelle était la disposition des anciens théâtres, on peut lire les notes de Perrault sur Vitruve. […] D’autres prétendent que cette coutume est plus ancienne ; et que les magistrats eux-mêmes, qui étaient à l’orchestre, faisaient paraître de là quelque espèce de mouchoir pour faire commencer le combat.
Les Comédies grecques & latines, bien plus que l’histoire, nous donnent une connoissance plus exacte des mœurs & des usages des Anciens. […] Les anciens Poëtes Provençaux sont ceux qui ont amené la Poésie en France. […] Les Lettres ont dégénéré, & cependant nous sommes encore bien loin d’avoir imité les Anciens, du moins dans les grandes parties. […] Le sujet de ces pièces étoit simple : de même qu’il falloit à Térence deux comédies de Ménandre pour composer une des siennes, deux tragédies des anciens auroient composé une des nôtres. […] Agis, Roi de Sparte, ayant voulu renouveller l’ancien partage des terres de Lycurgue, commença par abolir les dettes.
Car comme nous avons dit auparavant, suivant le sentiment de plusieurs Docteurs anciens très considérables par leur sainteté, et par leur doctrine, les danses ne sont point permises que pour des sujets raisonnables, et importants, qui regardent le bien de la société civile, aux jours mêmes qui ne sont pas particulièrement dédiés à la piété et au culte de Dieu. […] Certes les vrais Chrétiens, et les enfants de Dieu n’ont pas accoutumé de se servir de ces moyens pour le remercier des bienfaits, qu’ils ont reçus de sa miséricorde ; et nous avons déjà montré, que les danses de l’ancien Testament qui furent rapportées à la gloire de Dieu, et à sa louange, comme celle de Marie sœur d’Aaron, après la ruine de Pharaon, et la perte de son armée, sont bien différentes, et bien éloignées de celles d’aujourd’hui. […] Ils eussent bien mieux fait de suivre constamment et de soutenir généreusement la doctrine des anciens, appuyée sur la discipline de l’Eglise, et animée de son esprit, et de réprimer par la force de la vérité la licence effrénée des Chrétiens relâchés et vicieux, que de leur apprendre une voie large qui favorise leurs convoitises, et qui par conséquent ne peut que les conduire au précipice, par des opinions nouvelles, qui n’ont aucun fondement dans la doctrine de l’Eglise, ni dans celle des Saints.
Mais à la tempête a succédé le calme, et la paix des anciens jours lui a été rendue. […] Je sais tout ce qu’on peut objecter pour ou contre eux, ce qu’en ont pensé les anciens, ce qu’en pensent encore les modernes. […] Encore, si le code municipal et celui des anciennes provinces limitrophes, eussent été pour le jurisconsulte les seuls objets à fixer ! […] Monument sacré de la volonté de nos anciens souverains, il était quelquefois la loi vivante de l’état tout entier. […] Non, sans doute, puisqu’encore une fois, l’auteur n’a voulu que démontrer l’injustice de l’ancien préjugé qui flétrissait l’état de comédien.
Les fruits qui sont la suite d’une satire sage & modérée, ont fait adopter ce spectacle chez presque toutes les nations tant anciennes que modernes. […] Mais sans entrer dans toutes ces discussions sur la Comédie ancienne & moderne, discussions qui n’aboutiroient vraisemblablement qu’à faire pencher la balance du côté de l’une ou de l’autre sans faire adopter la meilleure, je me bornerai ; 1°. à examiner la Comédie dans sa nature, c’est-à-dire dans le but qu’elle doit se proposer ; 2°. ensuite j’examinerai si les Comédies Françoises ont atteint le vrai but que se propose la Comédie ; 3°. enfin je rechercherai s’il n’y a pas quelques obstacles qui s’opposent parmi nous à la perfection de la Comédie.