Préface C’EST une erreur qui a infecté beaucoup d’esprits, qu’il était presque impossible d’accommoder heureusement au Théâtre les Sujets qui sont tirés de l’Ecriture Sainte, et de l’Histoire Chrétienne. […] Mais ce qui leur paraît de plus rebutant et de plus épineux, c’est que pour donner à ces ouvrages les ornements qu’ils demandent, il faut se remplir des grandes vérités de la Religion, et tirer de l’Ecriture sainte ces riches expressions que nous fournit la divine Poésie du Psalmiste et des Prophètes, et qui sont fort au-dessus de tout ce que l’ingénieuse et savante Antiquité a de plus grand et de plus magnifique.
Nous aurions bientôt décidé la Question, si l’Ecriture Sainte s’en expliquait de quelque manière que ce pût être : mais, comme a fort bien remarqué « Plane nusquam, etc. »lib. […] Lisez et relisez l’Ecriture, vous n’y trouverez point de précepte formel et particulier contre la Comédie. […] , que la raison doit expliquer ce que l’Ecriture a voulu taire, et faisons nos efforts pour concilier les conclusions des Théologiens avec les décisions des Pères de l’Eglise. […] Mais il est bon de détruire entièrement cette raison, et pour en venir aisément à bout, voyons les autorités de l’Ecriture Sainte, qui semblent défendre la Comédie et semblables spectacles, et tâchons de les expliquer, non pas à nôtre fantaisie, mais par les paroles des plus grands Docteurs. […] S’il était vrai qu’on dut défendre toutes les choses qui pourraient avoir des suites fâcheuses, on ne devrait pas lire l’Ecriture Sainte (pour me servir du même exemple que vous apportez :) on ne devrait pas, dis-je, lire l’Ecriture Sainte, en latin même, puisqu’elle est la cause innocente de toutes les hérésies, qui, selon saint Jérôme, naissent pour l’ordinaire d’une parole mal entendue, ou malicieusement expliquée.
« Quiconque aime le peril, il y périra », dit l’Ecriture ;Eccl. 11. 25. […] Voici comme parle cet illustre Diacre d’Edesse, dont saint Jérôme témoigne que les écrits étaient en si grande vénération dans l’Eglise Grecque, qu’on les lisait publiquement après la sainte Ecriture. […] » Il y a encore plusieurs autres passages qui ont rapport à ceux-ci, auxquels l’on ne fait pas assez d’attention ; de sorte que cette parole du Seigneur s’accomplit : Vous « tombez dans l'égarement faute de bien suivre l’Ecriture ». […] Ne vous en allez pas ouïr aujourd’hui la lecture de la sainte Ecriture, comme un serviteur affectionné à Jésus-Christ ; pour aller demain ouïr un concert profane, comme un prévaricateur, et un ennemi de Jésus-Christ. […] S’ils aiment, dit-il, ceux qui sont véritables, et qui leur seront utiles ; qu’ils s’appliquent à la lecture des saintes Ecritures ; et ils y trouveront des spectacles dignes de la foi, dont ils font profession.
Il y en a assez dans les saintes Ecritures, dans les Pères, et les Docteurs de l’Eglise. […] L’Ecriture Sainte est-elle contraire à tels Spectacles et recréations ? […] Dites plus apparente, mais non pas meilleure : car tous les assistants font un pareil mal, comme étant pareillement défendu, et le nombre des fous étant infini selon l’Ecriture, principalement en semblables lieux.
Et tant les entrepreneurs que les joueurs sont gens ignares non lettrés qui ne savent ni a ni b qui n’ont intelligence non seulement de la sainte écriture immo z ni d’écritures profanes. […] [NDE] N’a pas le sens adversatif du latin immo : ni même d’écriture profane. […] [NDE] Les illettrés comprendront mieux l’écriture sainte par la version théâtrale que par une version orale (la lecture).
[FRONTISPICE] CARACTÈRES TIRÉS DE L'ÉCRITURE SAINTE, ET APPLIQUÉS AU MOEURS DE CE SIÈCLE A PARIS,Chez Louïs Guerin, ruë saint Jacques,vis-à-vis la ruë Mathurinsà saint Thomas d'Aquin.
En prêchant ils avoient uniquement en vûë le salut des ames, & dans l’explication des divines Ecritures, sujet ordinaire de leurs prédications, ils tendoient toujours à ce but. […] Ils veulent, qu’il n’y ait rien là que d’innocent, & leurs raisons, c’est qu’ils prétendent ; Que l’Ecriture ne les a pas condamnez. […] & saint Cyprien n’ont pas fait difficulté d’avouer, que l’Ecriture ne condamne les spectacles par aucun passage formel. […] Il faut encore remarquer, que l’Ecriture, dont le stile est concis & énergique, ne fait pas toujours un long détail de nos devoirs, mais qu’elle ramasse souvent plusieurs défenses en une. […] Et qu’est-il besoin que les noms bizarres d’Opera & de Comedie soient exprimez dans l’Ecriture, si en effet on y trouve la condamnation de tout ce qui s’y pratique ?
Des Pièces tirées de l’Ecriture sainte, 96 Chap.
Les Ecritures condamnent le fard ; la chaire, le confessionnal le proscrivent ; les Peres, les conciles l’anathêmatisent ; & sans invoquer d’autre tribunal, j’en appelle à la conscience des femmes que la passion n’a pas aveuglées, que le crime n’a pas endurci ; les remords les accusent, leur cœur leur fait le procès. […] Il est parlé du fard en plusieurs endroits de l’Ecriture, sous le nom de Stibium. […] L’Ecriture n’en parle que comme d’une folie & d’un crime, & ne l’attribue qu’aux femmes de mauvaise vie, & aux statues des faux Dieux, qu’on s’imaginoit de bien honorer en les barbouillant comme des femmes. […] Il y en a cent exemples dans l’Ecriture, les voyageurs & les histoires Orientales. […] Mais comme l’Ecriture dit que ces trois filles étoient très-belles, voici ce qu’on imagine pour en faire un éloge, & que je ne garantis pas.
Tout ce que je vois dans Tertullien, c’est qu’aux Chapitres 14, 18, 19 et 20, il prouve que les Spectacles sont plus que suffisamment défendus par l’Ecriture. […] Je n’ai qu’à vous adresser ses paroles du Chapitre 14, et vous dire : Comment pouvez-vous prétendre que l’Ecriture n’a pas défendu la Comédie ? […] Combien de choses y a-t-il que nous croyons défendues par l’Ecriture, dont elle n’a pourtant point fait de précepte formel. On n’en voit point qui défende à un Religieux d’écrire en faveur de la Comédie ; cependant quand vous voudrez, je vous ferai voir par l’Ecriture que cela lui est défendu. […] La Comédie est donc défendue et condamnée par l’Ecriture, et par conséquent on ne peut y assister sans aller contre le Commandement de Dieu.