Les sens ne sont-ils pas d’abord pris par ce fracas de décorations, de voix, d’instruments, de machines ; et les sens, d’intelligence avec les passions, peuvent-ils laisser l’âme tranquille ? Tout ce que l’harmonie a de charmes, tout ce que l’art peut donner de merveilleux à un concert de voix et d’instruments, tout est employé pour attendrir, pour toucher l’âme ; il n’en faudrait pas tant pour la rendre sensible. […] De jeunes personnes qui se font un point d’honneur de plaire, et qui sont gagéesb pour exprimer de la manière la plus vive une passion ; des gens qui n’ont d’autre gloire que de se distinguer sur un théâtre, en inspirant la passion qu’ils expriment ; des voix douces et insinuantes, accompagnées de mille manières séduisantes, mêlées de paroles tendres, et de vers composés avec art, pour inspirer l’amour ; tout cet assemblage prodigieux de dispositions, et de choses, dont la moindre, prise séparément, est une tentation, ne sera tout au plus, au sentiment des mondains, qu’un amusement indifférent, un divertissement licite et innocent des gens du monde. […] Mais on n’a nul motif criminel, dit-on ; c’est la curiosité, ce sont les voix, c’est la symphonie qui nous attirent, comme si ces voix, ou cette symphonie pouvaient être séparées des spectacles. […] Les remords s’émoussent à force de piquer inutilement ; et cette voix intérieure si propre pour avertir du danger, et pour éveiller le pécheur, peut-elle se faire entendre dans le tumulte des spectacles ?