C’est donc avec beaucoup de raison que Sénèque dit à ce sujet : Comportez-vous dans les compagnies avec tant de sagesse et de discrétion que personne ne vous trouve fâcheux, ou ne vous méprise comme un homme de rien qui ne saurait pas vivre, car c’est un vice d’être fâcheux à tout le monde, et l’on s’attire avec sujet le nom de sauvage et de grossierf. » De ces paroles de saint Thomas, il vous est aisé de juger, Monsieur, que sous le nom de jeux, il comprend aussi la Comédie, quand il dit : « Que ce relâchement de l’esprit, qui est une vertu, se fait par des paroles et par des actions divertissantes ». […] , qui dit formellement : « Que les Spectacles sont bons et permis s’ils sont accompagnés des précautions et des circonstances nécessaires. » Le Bienheureux Albert le Grand son Maître lui avait appris cette Doctrine : et les paroles que je lis à ce sujet dans saint Antonin Archevêque de Florence, sont trop précises pour ne pas vous les rapporter : « La Profession de Comédien, dit-il, parce qu’elle sert à la récréation de l’homme, qui est nécessaire pour sa vie, n’est pas défendue d’elle-même : de là vient qu’il n’est pas non plus défendu de vivre de cet artHistrionatus Ars, etc. in 3. p. summ. it. 8. cap. 4. seff. 12. scenicus ludus, etc. 2. p. sum. cap. 23. seff. 1. […] On ne fait pas cependant tant les scrupuleux sur ce chapitre que sur celui de la Comédie, et l’on ne fait point de difficulté de s’habiller selon sa condition, et de vivre à son aise, pourvu qu’on le fasse avec une honnête modération : pourquoi donc n’étendrons-nous pas cet adoucissement aux Spectacles, et ne dirons-nous pas que comme on applique les reproches des Docteurs de l’Eglise au luxe, à l’intempérance, à la dissipation des biens et non pas à leur usage innocent et modéré, l’on peut aussi interpréter leurs paroles des Comédies impies et déshonnêtes, et non pas de celles où l’on ne trouve rien que de conforme aux règles de la sagesse et de l’honnêteté ? […] La grande Raison, et, pour ainsi dire, l’unique qui a fait autrefois déclarer les Comédiens infâmes, était l’infamie qui régnait dans les Comédies qu’ils représentaient, et celle qu’ils y ajoutaient eux mêmes par la manière honteuse dont ils accompagnaient ces coupables représentations : Maintenant que cette Raison est anéantie, il est indubitable que ses conséquences ne subsistent plus ; et s’il y en a quelques-unes à tirer, c’est, Monsieur, que la Comédie étant devenue toute honnête, ceux qui la représentent, et qui vivent honnêtement d’ailleurs, doivent sans difficulté être au nombre des honnêtes Gens. […] On ne peut faire un pas, lire un Livre, entrer dans une Eglise, enfin vivre dans le monde, sans rencontrer mille choses capables d’exciter les passions.