Les Actrices s’offrent sur le théatre, elles affichent leurs amans & s’en font gloire ; elles sont dispersées dans tous les quartiers, & vont où il leur plaît ; il leur est défendu de loger à l’hôtel, où il seroit de la décence qu’elles vécussent en communauté sous les yeux d’une femme vertueuse. […] Après avoir vécu dans les meilleures compagnies, & servi de maîtresses aux plus grands Seigneurs, qui comme les nôtres, les préferent quelquefois à d’honnêtes femmes, on leur met dans la bouche, aussi-tôt qu’elles sont mortes, une bride de paille, avec laquelle on les traîne ignominieusement dans les rues, & ensuite on abandonne leur cadavre sur un fumier aux chiens & aux oiseaux de proie. […] elles ne vivent que du travail du corps & de ce que leur donnent leurs amans. […] On ne sauroit vivre sans sentimens, c’est l’aliment du cœur d’une femme : ici tout ressent, tout exprime, tout inspire les plus vifs & les plus délicieux, de toute espèce ; pitié, fureur, langueur, fierté, chaque scène en fait naître. […] Trois ans de souffrances continuelles ont été terminés par la mort la plus courageuse, la plus soumise la plus édifiante, parmi des douleurs effroyables qu’elle souffroit avec joie ; elle n’eût désiré de vivre que pour prolonger sa pénitence ; dans ses derniers momens elle sit une espece de confession publique des désordres de sa vie, sur-tout de ceux qu’elle avoit donné au théatre.