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63. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre III. Du Cardinal de Richelieu. » pp. 35-59

Ils n’auraient pas apparemment souffert qu’elle eût infecté toutes les villes du royaume, qu’on eût soudoyé des milliers de Comédiens, et abandonné l’agriculture, les métiers, les professions, pour aller amuser le public de sornettes, d’intrigues et de crimes. […] , fut de faire chercher (à grands frais) dans la Provence (comme des manuscrits importants de la Bible et des Conciles) les pièces des anciens Troubadours : ce sont peut-être celles qu’on conserve à la bibliothèque du Roi. » Ces Troubadours étaient les anciens Poètes, Chantres, Jongleurs, Ménétriers, etc. qui allaient de cour en cour, de ville en ville, chantant leurs romances, leurs fabliaux, et quelquefois les mettant en drame et les représentant, comme font nos farceurs et vendeurs d’orviétani. […] N’était-ce pas assez d’en laisser construire dans les villes (ce qu’il aurait dû empêcher), fallait-il y consacrer une aile de son palais ? […] On est étonné des grands ouvrages qu’a faits le Cardinal de Richelieu, l’Eglise de Sorbonne, la salle du Spectacle, le Palais Royal, la ville et le château de Richelieu ; on lui en fait un honneur infini : ce sont en effet des chefs-d’œuvre de l’art, dont le projet a quelque chose de grand. […] Jusqu’alors on n’avait connu que les Confrères de la Passion, et des Farceurs qui couraient le monde et qui partout étaient méprisés ; les compositions, les constructions, les représentations, le désir du premier Ministre, ont répandu cette maladie contagieuse dans les villes, les bourgs, les campagnes, les maisons particulières, le Clergé, la magistrature, l’épée, les Collèges, les Communautés religieuses.

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