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30. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre VII. Fêtes de Théatre. » pp. 169-185

Ce vers, il est vrai, ne rime pas richement avec celui qu’il venoit de dire ; mais il le déclama d’une maniere si vive, & si naturelle, qu’on le crut du rôle, & qu’on le prit dévotement pour un anathême lancé contre Athalie. […] Plusieurs pénitens pleins de vénération pour leur sac & leur capuchon, ont aussi trouvé fort mauvais qu’on en eût fait l’uniforme des gardes ; ils s’en sont plaints amérement, de vive voix, & par écrit ; car il a paru des lettres anonimes qu’on leur attribue, où on fait un grand éloge de leur saint habit, & l’on porte plainte à l’Evêque de Saint-Pons, à qui elles sont adressées, de l’affront qu’on a fait à la vénérable confrerie, en plaçant des pénitens sur le théatre, comme si elle étoit une troupe de comédiens, & comment trouver l’esprit de pénitence sous un habit devenu prophane ? […] M. le Coadjuteur donna ensuite un grand repas, tout cela est dans l’ordre ; mais voici le plus beau & le plus dévot de la cérémonie : à quatre heures tout le monde alla à la comédie, on la donna gratis au peuple ; on joua la Chasse d’Henri IV, & à l’endroit où l’un des acteurs boit à la santé de ce bon Roi, tous les spectateurs, d’une voix unanime, s’écrient, vive le Roi, buvons à sa santé. […] Tous burent rafade au bon Roi ; il eût été plus noble de faire tout-à coup sourdre une fontaine de vin, d’un coup de baguette ; on porta de tout côté la santé du Roi avec les acclamations les plus vives, au milieu des cris de joie, & d’applaudissemens, la musique exécutant divers morceaux choisis, ne put se faire entendre, ni les acteurs continuer au milieu de cette fête bachique, mais il n’y eut point de désordre.

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