C’est là que la volupté entre par tous les sens, que tous les arts concourent à l’embellir, que la poésie ne rime presque jamais que l’amour et ses douceurs ; que la musique fait entendre les accents des passions les plus vives ; que la danse retrace aux yeux ou rappelle à l’esprit les images qu’un cœur chaste redoute le plus ; que la peinture ajoute à l’enchantement par ses décorations et ses prestiges ; qu’une espèce de magie nous transporte dans les pays des fées, à Paphos, à Cythère, et nous fait éprouver insensiblement toute la contagion de l’air impur qu’on y respire ; c’est là que tout nous dit de céder sans résistance aux attraits du penchant ; c’est là que l’âme amollie par degrés perd toute sa force et son courage ; qu’on languit, qu’on soupire, qu’un feu secret s’allume et menace du plus terrible embrasement ; que des larmes coulent pour le vice, qu’on oublie ses vertus, et que, privé de toute réflexion, réduit à la faculté de sentir, lié par de honteuses chaînes, mais qui paraissent des chaînes de fleurs, on ne sait pas même s’indigner de sa faiblesseau. » Aussi Riccoboni, auteur et comédien tout à la fois, après être convenu que, dès la première année qu’il monta sur le théâtre, il ne cessa de l’envisager du mauvais côté, déclare qu’après une épreuve de cinquante années, il ne pouvait s’empêcher d’avouer que rien ne serait plus utile que la suppression entière de tous les spectacles. […] Et ces airs tant répétés dans le monde ne servent qu’à insinuer les passions les plus décevantes, en les rendant plus agréables et plus vives par les charmes d’une musique, qui ne demeure si facilement imprimée dans la mémoire que parce qu’elle prend d’abord l’oreille et le cœur.