/ 247
2. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE IV. Apologie des Dames. » pp. 119-155

Il y a beaucoup plus de femmes vertueuses que d’hommes vertueux, c’est un fait ; j’en suis fâché pour vous et pour notre sexe ; mais il n’est que trop certain que le mérite et la vertu des femmes nous avilissent, et si vous y regardez à deux fois, vous serez contraint de m’avouer qu’il n’est pas moins étonnant qu’il y ait un si grand nombre de femmes estimables avec le peu d’éducation qu’on leur donne en général, qu’il est surprenant de voir si peu d’hommes estimables avec l’éducation qu’ils reçoivent. […] Partout où vous trouverez des hommes célestes ; partout où il y a des hommes sages, des pères et mères vertueux, c’est là, Monsieur, qu’on trouve des filles à marier sages et vertueuses, modestes et capables par leur exemple, leurs conseils et l’amour qu’elles inspirent, de porter au bien un jeune homme dont le penchant l’entraînait au désordre. […] Bien plus, il me semble qu’il serait héroïque de préférer à l’Empire une femme vertueuse comme Bérénice et Titus cédant à l’ambition plutôt qu’à une passion si légitime se dégrade à mes yeux. Je me reprocherais comme un vice honteux de mon cœur d’être sorti d’une représentation de Zaïre sans avoir pris pour elle le plus tendre intérêt : c’est le tribut que tout cœur vertueux doit payer à la Vertu malheureuse. Aimer une femme vertueuse comme Zaïre à l’excès, c’est aimer la Vertu comme on doit l’aimer : inspirer cet amour par ses ouvrages, c’est établir dans tous les cœurs l’amour de la Vertu.

/ 247