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165. (1665) Réponse aux observations touchant Le Festin de Pierre de M. de Molière « Chapitre » pp. 3-32

Les anciens philosophes, qui nous ont soutenu que la vertu avait d’elle-même assez de charmes pour n’avoir pas besoin de partisans qui découvrissent sa beauté par une éloquence étudiée, changeraient sans doute de sentiment s’ils pouvaient voir combien les hommes d’aujourd’hui l’ont défigurée sous prétexte de l’embellira. Ils se sont imaginés qu’elle paraîtrait bien plus aimable s’ils en rendaient l’acquisition plus difficile ou plus épineuse, et ce pernicieux dessein leur a réussi si heureusement qu’on ne saurait plus passer pour vertueux que l’on ne se prive de tous les plaisirs qui n’ont pas la vertu pour leur unique objet. Et comme ils se sont aperçus que la comédie en était un, puisqu’elle mortifie moins les sens qu’elle ne les divertit, ils l’ont dépeinte comme l’ennemie et la rivale de la vertu. […] On a beau lui dire que, puisqu’il ne doit pas répondre à la candeur publique, il devrait laisser à nos évêques et à nos prélats le soin de sanctifier nos mœurs, il soutient que c’est le devoir d’un chrétien de corriger tous ceux qui manquent, et sans considérer qu’il n’est pas plus blâmable de souffrir les impiétés qu’on pourrait empêcher que d’ambitionner à passer pour le réformateur de la vie humaine, il vient de composer un livre où il se déclare le plus ferme appui et le meilleur soutien de la vertu. […] Je ne prétends point ici prouver que les vers de Monsieur de Molière sont pour les jeunes gens des instructions paternelles à la vertu, mais je veux vous montrer clairement que les esprits les plus mal tournés ne sauraient trouver la moindre apparence de vice.

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