En effet, comme la canonization des Saints est une ceremonie sacrée par laquelle l’Eglise sur des témoignages authentiques de miracles & de vertus, declare qu’un tel homme ou qu’une telle femme est morte en état de grace, & en odeur de sainteté, & permet qu’on luy rende un culte public, qu’on fasse ses images & ses portraits, qu’on fasse son éloge & son panegyrique, & qu’on luy adresse des prieres & des vœux : de même la comedie étant une espece d’apotheose, ou de canonization de ces illustres Payens, tant vantez dans la mitologie, & dans les metamorphoses, dans les fables & dans les romans, & qui se sont rendus plus fameux par leurs vices que par leurs vertus. […] Quoy, l’on verra l’histoire de leurs vies mêlée d’intrigues d’amour & d’incidens de galanteries, & representée par des vers qui expriment & émeuvent les passions d’une maniere si forte & si douce, qu’en faisant les portraits de ces saints & de ces saintes, ils font paroître avec éclat leurs petites foiblesses, & obscurcissent leurs plus grandes vertus. […] L’experience nous apprend que comme les especes du vice frappent les gens d’une maniere plus douce & plus agreable, & qu’elles sont de plus fortes impressions dans l’ame que toutes les images de la vertu, ce n’est pas merveille si le cœur en est plûtôt corrompu, & si toutes les passions en sont plus promtement déreglées. […] Mais non, M. je me trompe, & je me suis equivoqué en donnant à la comedie tant d’illustres suivantes, & un si noble cortege que celuy des vertus. […] quoy, faut-il que je vous appelle à l’école des Payens pour vous y faire des leçons de vertu & de sagesse.