La preuve en est que plusieurs bonnes Comédies, dans lesquelles les Auteurs ont mis plus de choses que de mots, c’est-à-dire, où les vices & les vertus sont traités le plus à fond, sont aussi suivies que des Comédies bouffonnes. […] Qui ne sait pas que de tout temps l’ambition a changé la face des Etats ; que l’amour de l’or à éteint celui de la vertu ; que par-tout où il y a eu des hommes, on a vu régner tour-à-tour le mensonge, la calomnie, la trahison, le luxe, le libertinage, la perfidie, la mauvaise foi, & généralement tous les vices dont le cœur de l’homme est malheureusement la victime ? […] Il en est de même des défauts qu’une nation tolere, & qui sont devenus si communs, que peu de personnes en sont exemptes ; celui qui entreprendroit de les fronder par le secours de la scène, ne seroit peut-être pas accueilli favorablement des Spectateurs : par exemple, chacun sait que l’intérêt est aujourd’hui l’unique base des mariages ; quand on se propose un établissement, on ne songe gueres à s’informer si la personne qu’on recherche a des mœurs, de la vertu, de la conduite, ou si elle est d’une naissance distinguée : est-elle riche, demande-t-on d’abord avec empressement ? […] Or la crainte de la censure publique a la vertu plus que toute autre barriere de contenir les hommes dans le devoir. […] Le bon ordre régneroit donc à la place de la licence, & la vertu à la place du crime.