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65. (1758) Sermon sur les divertissements du monde « SERMON. POUR. LE TROISIEME DIMANCHE. APRÈS PAQUES. Sur les Divertissements du monde. » pp. 52-97

malheur à vous qui trouvez votre félicité sur la terre, et qui la faites consister dans les vaines joies de la terre ! […] Car pourquoi, dirois-je, mettre ma conscience au hasard dans une chose aussi vaine que celle-là, et dont je puis si aisément me passer ? […] Chrysostome : Tout ce que je vois et tout ce que j’entends, me divertit et rien de plus ; du reste je n’en ressens aucune impression, et je n’en suis nullement touché Vaine excuse qu’ils traitoient, ou de déguisement et de mauvaise foi, ou d’erreur au moins et d’illusion : de déguisement et de mauvaise foi, parce qu’ils n’ignoroient pas que c’est un prétexte dont veulent quelquefois se prévaloir les plus corrompus, cachant les désordres secrets de leur cœur, afin de justifier en apparence leur conduite ; d’erreur au moins et d’illusion, parce qu’ils sçavoient combien on aime à s’aveugler soi-même, et combien la passion fait de progrès qu’on n’apperçoit pas d’abord et qu’on ne veut pas appercevoir, mais qui ne deviennent ensuite que trop sensibles. […] je l’ai dit ; quelques mondains, c’est-à-dire un certain nombre de gens libertins, amateurs d’eux-mêmes, et idolâtres de leurs plaisirs ; de gens sans étude, sans connoissance, sans attention à leur salut ; de femmes vaines, dont toute la science se réduit à une parure, dont tout le desir est de paroître et de se faire remarquer, dont tout le soin est de charmer le temps et de se tenir en garde contre l’ennui qui les surprend, dès que l’amusement leur manque et qu’elles sont hors de la bagatelle ; mais, ce qu’il y a souvent de plus déplorable, dont la passion cherche à se nourrir et à s’allumer, lorsqu’il faudroit tout mettre en œuvre pour l’amortir et pour l’éteindre. […] mon cher Auditeur, acquittez-vous, voilà votre principale obligation : n’engagez pas pour un vain plaisir le sang de vos freres et la substance des pauvres : jusques-là il n’y a point de jeu pour vous ou il ne doit point y en avoir, et pour peu que vous y puissiez mettre, c’est toujours trop, puisque c’est le bien d’autrui que vous exposez, et dont vous faites la plus inutile et la plus injuste dépense.

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