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139. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE I. Réformation de Riccoboni. » pp. 4-27

Ils ne sont pas en état d’en suivre l’intrigue, & de faire réflexion à la morale ; s’ils avouoient la vérité, nous verrions avec douleur qu’ils n’en ont retenu que le mauvais ; ils en rapportent les plus pernicieuses impressions, ils y apprennent toujours trop tôt à connoître & à sentir l’amour ; & quand même il seroit vrai qu’il faut que tôt ou tard ils le connoissent, ce que je suis très-éloigné de croire, il n’y auroit pas moins d’inconvénient & de cruauté de leur donner sur une matiere si délicate des leçons prématurées, infiniment funestes à leur innocence, avant qu’ils sentent quel est son prix, & combien sa perte est affreuse & irréparable. […] Formons-leur un maître qui leur apprenne des vérités que tout leur laisse ignorer. […] Elles sont d’un homme sage, vertueux, éclairé, instruit par une expérience de quarante années, courageux, qui ose connoître & dire la vérité, quoiqu’avec beaucoup de modération. […] Ils auroient trouvé à chaque pas des traces, des restes de l’antiquité, qui les auroient plus surement conduits à la vérité. […] Nous avons en petit ce que nos pères avoient en grand, mais diversifié selon le génie des peuples : courses de taureaux en Espagne, & de chevaux à Rome, combats des bêtes en Angleterre, gladiateurs en Allemagne, lutteurs athlètes en Toscane, sur-tout des théatres par-tout, moins vastes à la vérité, mais en plus grand nombre, plus amusans, plus diversifiés, & des représentations incomparablement plus fréquentés qu’à Athènes & à Rome.

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