Ils continuent, que c’est ce que les Poètes ont pratiqué, en introduisant des personnages passionnés dans la Tragédie et des personnages ridicules dans la Comédie (ils parlent du ridicule dans le sens d’Aristote, d’Horace, de Cicéron, de Quintilien et des autres maîtres, et non pas dans celui du peuple :) qu’ainsi faisant profession de faire voir de méchantes choses, si l’on n’entre dans leur intention ; rien n’est si aisé que de faire leur procès : qu’il faut donc considérer si ces défauts sont produits d’une manière à en rendre la considération utile aux Spectateurs : ce qui se réduit presque à savoir s’ils sont produits comme défauts, c’est-à-dire comme méchants et ridicules ; car dès là ils ne peuvent faire qu’un excellent effet. […] Habitude qui leur est très utile, en ce que le peuple, que ces gens-là ont en vue, et sur qui les paroles peuvent tout, se préviendra toujours d’une opinion de sainteté et de vertu, pour les gens qu’il verra parler ce langage, comme si accoutumés aux choses spirituelles, et si peu à celles du monde, que pour traiter celles-ci ils sont contraints d’emprunter les termes de celle-là. […] Ce personnage est un supplément admirable du caractère bigot, et fait voir comme il en est de toutes professions, et qui sont liés ensemble bien plus étroitement que ne le sont les gens de bien ; parce qu’étant plus intéressés, ils considèrent davantage, et connaissent mieux combien ils se peuvent être utiles les uns aux autres dans les occasions : ce qui est l’âme de la cabale. […] La Religion a ses lieux et ses temps affectés pour ses sacrifices, ses cérémonies et ses autres mystères ; on ne peut les transporter ailleurs sans crime : mais ses vérités qui se produisent par la parole, sont de tous temps et de tous lieux ; parce que le parler étant nécessaire en tout et partout, il est toujours plus utile et plus saint de l’employer à publier la vérité et à prêcher la vertu, qu’à quelque autre sujet que ce soit.