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39. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique —  CHAPITRE VIII. Dans quelle Nation la Poësie Dramatique Moderne fit-elle les plus heureux progrès ? » pp. 203-230

Ce qu’il en a dit est très-remarquable : Soit par la faute de nos Poëtes, soit par l’imperfection de notre Langue, qui n’est pas propre aux Sujets majestueux, aucun de nos Tragiques n’a eu le bonheur de passer la médiocrité. […] Nous nous égarâmes tous, & notre égarement fut si grand, que nous ignorâmes jusqu’à cette distinction si naturelle, que les Yncas même, comme je l’ai dit dans le premier Chapitre, savoient faire entre le Genre sérieux & le bouffon, le Tragique, & le Comique. […] Nous avons vu dans l’Histoire de la Poësie Dramatique chez les Grecs, que leurs Poëtes furent obligés de faire succéder aux Représentations Tragiques, quelque Piéce plaisante, pour reveiller le Peuple qu’attristoit la Tragédie ; c’étoit pour une Populace qu’ils avoient cette complaisance : les Poëtes modernes traiterent leurs Spectateurs comme Peuple, quand ils eurent peur de les trop attrister. […] Ce n’est pas que l’Esprit Tragique ne soit le nôtre ; mais Shakespear, Otwai, Dryden ont négligé le plus important de tous les Arts, l’Art d’effacer, The last, and greatest Art, the Art to blot.

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