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38. (1759) Remarques sur le Discours qui a pour titre : De l’Imitation par rapport à la Tragédie « Remarques sur le discours qui a pour titre : De l’Imitation par rapport à la Tragédie. » pp. 350-387

Saint Augustin se reproche les larmes trop agréables qu’il avoit versées au Théatre, ou en lisant dans Virgile la fin tragique de Didon ; & il n’y a personne qui n’ait fait l’expérience de la douceur que l’on goûte à s’attendrir sur des malheurs qu’on pleure sans y être véritablement intéressé. […] J’entends par ces termes appliqués à la Tragédie, cet art du Poëte Tragique, par lequel il construit si habilement toutes les parties de son Poëme, qu’elles se tiennent comme par la main, & que les divers événements qu’il y fait entrer, conspirent l’un avec l’autre, & tendent tous à la même fin. […] Si le Poëte Tragique entre bien dans l’esprit de son art, il faut que toute la conduite, toute l’œconomie de sa Piéce tende uniquement à établir, à développer, à mettre dans tout son jour le point de morale qui doit en être le véritable sujet, & qu’en donnant par-là le plaisir de l’unité, il fasse goûter encore plus celui de la vérité, dont sa Tragédie doit être une preuve vivante, qui la démontre par les événements & par cette espéce d’expérience que le Spectateur fait, suivant le proverbe Espagnol, sur la tête d’autrui ; par-là le Poëme Tragique renfermeroit une espéce de Philosophie, si les Poëtes pouvoient être vraiment Philosophes. […] En vain Aristote, ou ses partisans, voudroient-ils répondre que c’est par l’imitation même que le Poëte Tragique prépare ces différents genres de plaisir. […] Au reste je n’ai pas besoin d’observer après toutes ces réflexions qu’en découvrant les sources du plaisir qui naît & de la chose imitée, & de l’Imitation même, on découvre en même-temps l’origine & la raison de toutes les regles du Poëme Tragique, & même de l’Art Poëtique en général.

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