En comparant la tragédie à la comédie, tantôt il met entre elles une égalité de mérite, pour justifier l’égalité de récompense : Melpomene & Thalie sont assez à côté l’une de l’autre ; tantôt il donne la supériorité à la comédie : Il faut d’avantage au poëte comique, il ne doit ceder en rien au tragique, doit avoir autant de génie, être aussi bon poëte, & de plus, observateur des cœurs & des actions. Il est pourtant vrai que la tragédie est plus difficile, qu’il y a moins de poëtes tragiques que de comiques, & de bonnes tragédies que de bonnes comédies ; sur-tout que la tragédie est de sa nature, plus châtiée, plus décente, moins dangéreuse pour les mœurs ; mais tout sera équitablement balancé par l’aréopage dramatique, il vaut bien mieux que celui de Paris : il est composé des personnes d’un mérite distingué, récommandables par leur érudition, leur probite, leur intelligence, à l’abri de tout soupçon, qui jugeront avec connoissance, & sans partialité ; au lieu qu’à Paris c’est une troupe de comédiens & de comédiennes, grands Seigneurs & petits maîtres , dit Voltaire, qui s’assemblent pour juger les pieces ; leurs séances sont des vraies scénes comiques, souvent tragiques, pour le pauvre poëte, qui, après avoir long-tems fait sa cour, & essuyé les hauteurs, les caprices, les railleries, les mépris de ce grave sénat, est réfusé avec dédain, & ne peut esperer de succès que par la sollicitation, les présents & l’intrigue, foible garant de la bonté de la piece. […] Quelle protection n’accorda-t-il pas à la majesté tragique ? […] Jamais ce Pape n’a autorisé le théatre qu’il a se sort aimé, il ne l’a même jamais protégé, encore moins la majesté tragique, puisqu’il n’aimoit que les bouffonneries & les farces. […] Il faut convenir que d’avoir fait composer & combler de graces un poëte comique, un homme tel que Machiavel, avoir fait transporter de Florence à Rome un théatre, & des Acteurs pour y donner la comédie, ne sont pas des traits dans la personne d’un Pape qui doivent donner un grand poids à ses exemples, ni le faire appeller le Restaurateur des Lettres, & de la majesté tragique.