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2. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — CINQUIEME PARTIE. — Tragédies à rejeter. » pp. 235-265

Voilà ce que produit l’amour ; comme cette passion est égale dans tous les cœurs, il est bien rare que le Spectateur puisse s’en former une idée convenable à la majesté tragique. […] Les Tragédies Grecques me font faire une observation ; les Anciens ont établi l’ambition pour motif de l’action tragique, et quelquefois la passion d’amour aussi, dans le dessein de la rendre instructive, comme j’ai dit. […] Rodogune de son côté ne me paraît pas avoir plus de grandeur d’âme que sa rivale, lorsqu’elle prend le parti, pour se venger, de faire assassiner Cléopâtre : ainsi tout ce que ces deux femmes entreprennent, ne me paraît point s’accorder avec la grandeur des personnages tragiques. […] Racine justifie l’amour d’Alexandre pour Cléofile par l’autorité de Justin ; mais s’il peut en parler comme Historien, je crains bien qu’il ne puisse pas le défendre comme Poète tragique. […] La passion de Ladislas naît du vice et non de la vertu : telle était la licence de la Scène du temps de Rotrou ; mais les Poètes tragiques depuis lui ont toujours fait ou tâché de faire croire aux Spectateurs que l’amour dans leurs Tragédies était enfanté par la vertu.

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