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65. (1667) Traité de la comédie et des spectacles « Traité de la comédie et des spectacles » pp. 1-50

On ignore l'origine de la tragédie, et on sait seulement que ça a été le poète Thespis qui a commencé à la mettre dans un ordre plus régulier, encore que la manière dont les acteurs se gâtaient le visage, pour leur tenir lieu de masques, dont on n'avait pas encore l'invention, nous montre, que le siècle, les Poètes et les spectateurs étaient fort grossiers. […] Et si les Comédies qu'on a jouées depuis trente ans en France sont exemptes de ces vices, ne sont-elles pas dignes du même blâme que nos Tragédies et Tragi-comédies, par la manière d'y traiter nos passions ? […] Il n'y a rien dans la nature de la Tragédie, ni de la Tragi-comédie, qui puisse nous les faire désapprouver ; il paraît même que le but des premiers Tragiques a été bon, et qu'ils ont voulu instruire les peuples d'une manière qui fût capable de les frapper davantage, que la simple exposition des choses qu'ils leur voulaient insinuer n'aurait pu faire. La Tragédie considérée par cet endroit ne paraît pas plus mauvaise que les paraboles des Hébreux, les hiéroglyphes des Égyptiens, et les Emblèmes; les tragédies même des premiers poètes sont toutes morales, et pleines de sentences ; et s'il y en a quelquefois qui soient contraires à la vérité, il s'en faut prendre à la morale des Païens, et non pas à la Tragédie, qui rapporte comme vertueux ce qui passait pour vertueux en son temps, quoiqu'il eût le vice général de toutes les vertus païennes. […] Ne voyez-vous pas l'amour traité de cette manière si impie dans les plus belles Tragédies et Tragi-comédies de notre temps ?

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