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83. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre III. Aveux importans. » pp. 83-110

Ce mot qui chez les Catholiques marque un degré de ferveur & une sorte de misticité extraordinaire que Jurieu combattit dans un livre exprès, ne signifie chez lui qu’une piété commune nécessaire à tout le monde pour être sauvé ; on ne peut le soupçonner de rigorisme, la morale des Protestans en est si éloignée ; que dans le même temps M. […] Tout le monde aime la volupté, sur-tout la jeunesse qui s’imagine lui être consacrée ; les Poëtes & les Peintres peignent la volupté comme une jeune personne couchée sur un lit de fleurs, environné de tout ce qui flatte les sens ; toutes les passions bouiliantes à cet âge où la chair vigoureuse qui n’a point encore été mortifiée, domine avec insolence, & s’en fait même un privilège, & rien de plus ordinaire au théatre & dans le monde que de dire que la sagesse n’est faite que pour les vieillards, & le bel âge pour les plaisirs ; ceux qui ont des inclinations plus heureuses n’osent les suivre, le respect humain l’entraîne dans la foule, il est emporté par le torrent & on les excuse. […] Voilà Moliere justement apprécié, il a étudié les sotises, il les a représentées ; rien de plus facile, il ne faut ni éloquence ni raisonnement, il ne faut que faire ce qu’on voit faire, & la nature a donné à tout le monde une merveilleuse facilité à se moquer ; on est sûr de plaire & d’aller à l’immortalité, en peignant des sots, il y aura toujours des sots dont on verra le portrait, & des gens malins qui aiment à les voir peindre. […] Une femme qui écrit met toujours son sexe sur les autels : les jolies femmes se croyant de divinités, tout leur doit & leur rend des hommages divins, pleines de cette idée & pour l’en entretenir, leur langage est toujours monté sur ce ton, elles le prêtent à tout le monde.

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