Il y a un défaut reconnu de tout le monde dans les Horace de M. de Corneille. […] Quoique le Poète ait la liberté de changer quelques circonstances de son Histoire, d’en supprimer une partie, d’en ajouter de nouvelles ; il ne lui est pas permis cependant d’altérer les événements principaux, et qui sont connus de tout le monde : Il n’est pas cependant obligé de suivre mot à mot la vérité de l’Histoire, pourvu qu’il ne la corrompe pas dans les points essentiels, et qu’il ne confonde point par des changements notables les idées du spectateur. […] Je ne doute point que Sophocle n’eût fait combattre sur le Théâtre devant tout le monde, les trois Horace contre les trois Curiace ; il faut que le Spectateur apprenne par des récits ces aventures cruelles, qui ne lui causent que des sentiments douloureux, et qui ne lui donnent que de l’horreur. […] Cependant ces actions, toutes odieuses qu’elles soient, ne peuvent être altérées dans leurs circonstances principales, parce qu’elles sont de notoriété publique, et que tout le monde sait qu’Oreste a effectivement tué sa mère ; mais il faut que ce parricide se commette derrière le Théâtre. […] C’est une faute que les critiques reprochent à Euripide dans son Hécube ; les plaintes que fait cette mère infortunée, après avoir trouvé le corps de son fils Polydore, que le perfide Roi de Thrace avait fait égorger, attendrissent tout le monde ; il fallait s’en tenir là.