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51. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre II. Discipline du Palais. » pp. 26-50

Il existe au milieu du Palais un corps formé de ses propres suppôts, qui non seulement dans ses cavalcades, ses habits d’ordonnance, le titre pompeux de ses Officiers, donne au public un spectacle comique, mais qui encore a été pendant deux ou trois siècles une troupe de Comédiens, représentant des pièces de théâtre, et obligé de les représenter certains jours de l’année à l’honneur du Prince et de ses amis et féaux les gens tenant la Cour du Parlement, auxquels ils allaient les inviter par des réveille-matin et des aubades, avec des fanfares et des instruments de musique. […] Philippe le Bel goûta cette idée, et pour les animer au travail, en forma un corps en 1303, leur permit de se choisir un chef qu’il appela Roi, à peu près comme le Roi de la fève, le Roi des ribauds, des arbalétriers, etc., et des Officiers qu’il décora du titre de Chancelier, de Maître des Requêtes, de Procureur général, d’Aumônier, de grand Référendaire, grand Audiencier, etc. […] Le Roi daigna s’y trouver, on y tourne en ridicule le Pape, les Cardinaux, les Evêques, les Religieux, grossièrement par leur nom, la noblesse, la robe, tous les états, et on porte l’audace jusqu’à satiriser le Roi lui-même en sa présence, et taxer d’avarice la sage économie que faisait ce Prince de ses revenus pour ne pas fouler ses sujets, qui lui valut le glorieux titre de Père du peuple. […] On voit bien qu’un tel Jurisconsulte est peu redoutable, et que ses exploits et ses œuvres ne lui donnent pas un grand titre à la confiance du public. […] On avance qu’elle ne peut manquer de parvenir à s’établir (la troupe) en titre d’Académie, et que dès l’instant elle ensevelira pour toujours l’ignominie que l’ignorance et une superstitieuse prévention ont élevée contre l’état de Comédien.

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