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44. (1702) Lettre de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour. Lettre de Lettres curieuses de littérature et de morale « LETTRE. de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour, qui lui avait demandé quelques réflexions sur les pièces de Théâtre. » pp. 312-410

Si toutes les femmes étaient d’aussi bonne foi que vous, Madame, elles avoueraient avec la même ingénuité, qu’elles ne savent ce que signifient proprement les termes de Tragédie et de Comédie : Ce sont les deux espèces qui divisent le Poème dramatique : Peut-être que ce mot est encore un mystère pour bien des femmes ; cette espèce de Poème est nommée de la sorte, parce qu’il représente quelque action, et il est différent des autres qui se passent en simples récits. […] J’avais oublié, Madame, à vous expliquer ce terme dont vous m’avez demandé la définition ; il vient de deux mots Grecs, qui signifient Village, et Chanson, parce que les faiseurs de Comédies allaient réciter leurs Vers par les campagnes : Dans ces temps grossiers les premiers Comédiens se barbouillaient le visage avec de la lie ; le Poète Eschyle inventa le masque, qui avait quelque chose de plus honnête, et de plus commode. […] Son but principal est de plaire en instruisant : Pour cela il est nécessaire que le Poète choisisse quelque beau point d’histoire véritable, ou crue telle ; qu’il conserve les bienséances, les mœurs et les caractères ; qu’il exprime les sentiments en termes choisis, nobles, et convenables à sa matière. Il y a encore quelques termes de l’Art dont il faut d’abord vous donner quelque idée, et dont je vous parlerai plus au long et plus en détail dans la suite. […] Il ne faut donc pas s’étonner que les Pères aient employé toute la force de leur éloquence et toute la véhémence de leur zèle, pour décrier les pièces de Théâtre ; mais l’on n’en peut rien conclure, au préjudice de notre Comédie ; parce que les choses ne sont pas égales ; comme on le peut voir aisément par les termes qu’ils employaient dans leurs invectives.

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