/ 351
95. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre III. Aveux importans. » pp. 83-110

Ces objets n’excitent dans l’ame que des mouvemens doux & tranquilles qui ne portent à aucun péché, & ne favorisent aucune passion, ils invitent même à louer, à aimer, à admirer un Dieu dont ils peignent les perfections, mais les beautés théatrales, vanités des vanités, pompe du monde, attraits de la chair, cette musique efféminée, ces paroles tendres, ces intrigues galantés, ces nudités, ces gestes, ce fard, ce luxe ne viennent que du vice, ne portent qu’au vice, n’entretiennent que les passions les plus criminelles, & ne peuvent que conduire au dernier crime. […] Les femmes qui dansent se servent elles-mêmes de tabourins flûteurs & menétriers, ce qui est encore pis, puisque leur bouche est polluée par les chansons dissolues ; elles mêmes s’en excitent davantage au péché, & les hommes semblablement par le son de ces airs tendres & lubriques & dangereux ; combien l’est-il davantage quand ces notes sont jointes au chant ? […] Qui s’attendroit qu’au milieu de cette multitude d’histoires galantes que débitent cinq ou six amans avec leur maîtresses qui passent quelques jours dans une maison de campagne à jouer, à se promener, à boire & manger, à dire des choses tendres, en un mot des journées amusantes, c’est-à-dire, au milieu de toutes les frivolités dont leur cœur & leur tête sont remplies, on s’avisat de traiter des affaires de la Régale & de Boniface VIII, de faire le procès au Pape Innocent XI de rapporter & d’éplucher les brefs qu’il écrivit, & ce que fit alors contre lui le Clergé de France : risum teneatis amici  ? […] Godeau ne fut pas toujours le même, il se destinoit au monde, il eut une maîtresse qu’il aimoit beaucoup, pour qui il a composé des ouvrages tendres ; il est vrai, mais non pas licencieux, cette fille ne voulut point de lui, parce qu’il étoit laid & petit ; le mauvais succès de ses amours n’a pas peu contribué à lui faire quitter le monde, & il le fit de bonne foi, il embrassa l’état ecclésiastique & y mena jusqu’à sa mort une vie édifiante.

/ 351