On n’aurait garde de leur reprocher un défaut qui ne dépend pas de nous, on leur en ferait même un mérite, si s’élevant au-dessus de leur naissance, ils la faisaient oublier par leurs vertus, et la rachetaient par des talents utiles ; mais tout en eux rappelle la bassesse de leur extraction et dégraderait la plus haute noblesse. […] Ces sortes d’hommes entraient dans le commerce, comme toute autre marchandise ; on les appréciait selon leur talent, on les prêtait, on les louait ; c’était une branche lucrative de commerce. […] Sans doute, quelque vil que soit le métier, un homme d’un si rare talent est estimable. […] C’est un prodige ; mais un prodige plus grand encore, ce sont les mœurs de Roscius, que Cicéron dans l’Oraison pro Quintio, loue si finement en deux mots qui peignent au naturel et l’Acteur et la profession : « Roscius, dit-il, a un si grand talent pour le théâtre, qu’il ne devrait jamais en descendre, et tant de probité et de vertu qu’il n’aurait jamais dû y monter. » Le livre 15 du Code Théodosien est presque tout employé à régler la discipline des théâtres, et chaque loi par les termes les plus méprisants semble n’être faite que pour marquer l’horreur qu’on en avait eue dans tous les temps : « Turpis conversatio, vulgaris vita, hac macula, hujusmodi fœces, scenicum prejudicium, etc. » Le Code Justinien, les Novelles, tous les Jurisconsultes, loin d’adoucir les expressions, semblent n’en trouver pas d’assez fortes. […] Ce serait un établissement fort honorable pour les Demoiselles ; elles auraient pour dot bien flatteuse les applaudissements du public ; les plus grands Seigneurs, épris de leurs talents et de leurs grâces, étalés dans le beau jour du théâtre, et bien sûrs d’y trouver de grandes maîtresses dans les mystères, des sentiments et des plaisirs, se croiraient heureux d’apporter aux pieds de ces Déesses leur fortune et leurs charges, etc.