/ 561
37. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — CINQUIEME PARTIE. — Tragédies à rejeter. » pp. 235-265

Je ne m’arrête pas au mérite de l’Auteur, pour avoir bien traité un sujet si épineux ; je ne regarde que le sujet en lui-même ; car, il est bien moins question au Théâtre de la Réformation de savoir si les Auteurs ont de l’esprit, que d’être assuré que leurs Pièces sont extrêmement correctes pour les mœurs, et ne peuvent causer aucune mauvaise impression dans le cœur des Spectateurs. […] Par là ces deux grands Hommes ont bien fait sentir la vérité de ce que j’ai dit dans l’examen de Bérénice : et je crois, qu’après avoir étudié soigneusement le cœur de l’homme, on conviendra qu’ils ont raison tous deux ; cependant, cette réflexion ne m’empêchera pas de penser, qu’il ne faudrait jamais choisir dans les faiblesses de l’amour des sujets dignes de la majesté tragique. […] Dans Œdipe, Iphigénie, la Thébaïde, etc. ce n’est que l’ambition, qui fait la passion des Héros ; Phèdre et Andromaque, ce n’est que l’excès de la passion d’amour, qui fait le motif de l’action tragique : ainsi je suis porté à conclure qu’il n’y a que l’ambition et l’amour qui puissent fournir des sujets convenables à la Tragédie. […] De tous les sujets qu’on a choisi pour en faire des Tragédies, soit dans l’Histoire, soit dans les Romans, je ne crois pas que l’on puisse en trouver un, où la passion d’amour soit plus vivement marquée qu’elle l’est dans l’Histoire véritable, qui fait le fond de la Tragédie du Comte d’Essex. […] La Reine dit à sa confidente : L’amour par le respect dans un cœur enchaîné, Devient plus violent, plus il se voit gêné ; Mais le Comte en m’aimant n’aurait eû rien à craindre ; Je lui donnais sujet de ne se point contraindre….

/ 561