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95. (1758) Lettre à Monsieur Rousseau sur l'effet moral des théâtres « Lettre à Monsieur Rousseau sur l'effet moral des théâtres, ou sur les moyens de purger les passions, employés par les Poètes dramatiques. » pp. 3-30

Or, par une suite de cette inutilité même, le théâtre qui ne peut rien pour corriger les mœurs, peut beaucoup pour les altérer. » Vous établissez, par plusieurs exemples, bien choisis à la vérité, que la plupart de nos Poèmes ne sont aucunement propres à rendre les hommes plus vertueux, ni à réprimer leurs passions : mais vous auriez dû ajouter, ce me semble, avec la vérité sévère et impartiale dont vous faites profession, que dans plusieurs drames anciens et modernes, il y a d’excellentes leçons de vertu ; leçons sublimes et touchantes, plus propres à attirer les hommes à la vertu, et à les arracher aux passions, que tous les traités de morale faits ou à faire. […] Est-ce que Corneille ignorait que la vertu fût préférable à la naissance, que les respects exigés par le pouvoir ne sont dus qu’au mérite, que les Grands, si sottement enorgueillis d’une longue suite d’illustres aïeux, en sont moins ennoblis que dégradés, s’ils cessent de leur ressembler ? […] Ce ne sont point les tours que joue le fils au père, qu’on veut faire passer pour honnêtes, ils ne sont que les suites et la punition de l’avarice : il fallait montrer à des avares, pour les corriger, ce que leur vice a de funeste pour eux-mêmes : il fallait qu’ils eussent à se reprocher les fautes mêmes de leurs enfants, dont leur conduite peut et doit corrompre le bon naturel.

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