On y voit les plus grands crimes flattés & déguisés d’une maniere à les faire aimer ; les passions les plus dangereuses ménagées avec art pour les faire plus aisément entrer dans le cœur, soutenues d’ailleurs par des exemples illustres & par d’heureux succès ; tout cela est exposé aux yeux des spectateurs par des personnes parées fort immodestement, qui donnent aux maximes pernicieuses qu’elles débitent dans les rôles qu’elles jouent, tout l’agrément du chant & de la déclamation, & qui ne prennent peut-être que trop souvent les passions qu’elles semblent feindre, ou du moins qui ne travaillent qu’à les inspirer aux autres. […] Ces spectacles profanes ne sont à proprement parler, qu’une savante école de toutes les passions ; on y fait avec éclat & avec succès des leçons publiques de galanterie, de fourberie, de vengéance, d’ambition ; on y apprend à conduire habilement une intrigue, à éluder la scrupuleuse vigilance des parens, à surprendre par mille ruses la bonne foi, à ne tendre jamais à faux des piéges à l’innocence ; à se défaire en habile homme d’un concurrent, à se venger à coup sûr d’un ennemi, à élever sa fortune sur les débris de celle d’autrui, & comme ce sont des leçons flatteuses auxquelles les acteurs donnent un merveilleux relief, quels progrès une passion vive & ardente, insmuée avec tant d’artifice, ne fait-elle pas dans un cœur où elle trouve déja de si grandes dispositions ?