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38. (1707) Lettres sur la comédie « Réponse à la Lettre de Monsieur Despreaux. » pp. 276-292

Or, vous ne sauriez me nier que le but de la Tragédie ne soit d’attendrir finement le Lecteur ou le Spectateur, de saisir son sensible par la fiction des choses funestes et tragiques, qu’il ne voudrait pas néanmoins endurer. […] Cela paraît d’autant mieux, en ce que la Tragédie n’est jamais si parfaite, que lorsqu’elle peut arracher des larmes véritables, ou qu’elle renvoie le Spectateur comme tout engourdi des passions violentes qui viennent de l’émouvoir. […] Non, Monsieur, cette fureur a son beau dans l’esprit des Spectateurs, qui la regardent comme l’émétique d’une âme sensible, et véritablement outrée de douleur. […] Ariane même, que j’ai quelque scrupule de nommer après le chef-d’œuvre du Théâtre, Ariane a bien accoutumé les Spectateurs aux frénésies de l’amour jaloux : c’est pour vous dire qu’on se fait toujours bonne composition sur ce qu’il y a de plus furieux dans un rôle tendre, et qu’on en détache l’odieux pour n’en prendre que le sensible, comme je pense l’avoir avancé dans ma Satire. […] J’avoue qu’un jeune homme qui l’observeraitg pourrait changer la thèse, et rendre le Spectateur plus susceptible de passion.

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