La seconde, qu’il justifie lui-même la Comédie, tant par rapport aux Acteurs, qu’aux Auteurs et aux spectateurs. […] Mais parce que par sa Morale continuelle elle aurait bientôt ennuyé et fatigué les spectateurs, les Comédiens crurent être obligés de suppléer par l’immodestie des gestes à la modestie de la Poésie : car jamais feu Raisin ne s’est plus étudié à plaire par son geste aussi bien que la Beauvale ; et tout le monde sait que sans cet Acteur qui jouait le personnage d’Esope, et sans cette Actrice qui représentait celui de Doris, confidente d’Euphrosine, cette Pièce aurait échoué dès la première représentation. […] La Comédie de ce temps ne peut avoir d’autre dessein que celui qui est renfermé dans la Pièce, dans l’Auteur qui l’a composée, dans l’Acteur qui la joue et dans le spectateur qui la voit représenter. Or l’Auteur en la composant n’a d’autre dessein que de traiter une passion avec tant de tendresse, de délicatesse et de force, qu’il puisse l’inspirer et la faire ressentir ou aux Lecteurs ou aux spectateurs de sa Pièce, qui ne contient en elle d’autre dessein que celui que l’Auteur s’est proposé : plus il est habile, mieux il réussit dans son dessein. […] Enfin le spectateur ne cherche, à ce que vous dites vous-même, que le plaisir ; il faut donc qu’il cherche en même temps à émouvoir ses passions, puisque, comme dit Tertullien, il n’y a point de plaisir où il n’y a point d’émotion et d’affection, « sine commotione spiritus, et ubi nullus est affectus, ibi nulla voluptas 26 ».