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310. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre VI. Suites des diversites curieuses. » pp. 138-172

La tragédie se repaît des disgraces des grands, des meurtres, des fureurs, des révoltes, dont un un spectateur cruel se fait un spectacle délicieux, comme des combats des gladiateurs. […] Tel est le théatre, rien n’y est nouveau, tout s’y répete ; les Poëtes se pillent, les Acteurs se copient, les spectateurs se suivent, &c. […] Ainsi au théatre la plus belle piece réussit ; après un certain nombre de représentations, il faut que des pieces, des décorations, des Actrices nouvelles viennent picoter le palais blasé du spectateur. […] Mais le fonds, l’esprit du spectacle n’est que l’imitation quelconque d’une action humaine pour amuser des spectateurs, en peignant les passions & se mocquant du ridicule, indépendamment du théatre, des décorations, des troupes réglées, de vers, d’unité, de temps & de lieux : Thespis sur son tomberau joue la comédie comme Moliere, quoique moins savamment, comme la maison commode d’un bourgeois est un ouvrage d’architecture, sans ordre Corinthien ni Dorique, aussi bien que le palais d’un Prince, comme le diner frugal d’un berger avec des fruits & du lait est aussi bien un repas que le festin des Rois avec tout l’art de la cuisine.

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