Nous ne sommes effrayés des malheurs d’autrui, que parce que nous voyons une certaine parité entre le malheureux & nous ; c’est la même nature qui souffre, & dans l’Acteur, & dans le Spectateur. […] Le Héros pour qui le Spectateur s’intéresse, tombe dans un malheur atroce, effrayant : on sent avec lui les malheurs de l’humanité, on est pénétré, on souffre autant que lui. Aristote se plaignait de la mollesse des Spectateurs Athéniens, qui craignaient la douleur Tragique : qu’aurait-il dit aux Français ? […] On peut donc mettre des Personnages scélérats sur la Scène Tragique, mais on blâmerait le Poète qui donnerait à des Personnages scélérats des qualités capables de leur concilier la bienveillance du Spectateur. […] Il semble même que le grand nombre des Spectateurs étant dans cet état mitoyen, la proximité du malheureux & de ceux qui le voient souffrir serait un motif de plus pour s’attendrir.