Et à considérer les impressions ordinaires que faisait la Tragédie dans Athènes sur l’âme des Spectateurs, on peut dire que Platon était mieux fondé pour en défendre l’usage, que ne fut Aristote pour le conseiller : car la Tragédie consistant, comme elle faisait, aux mouvements excessifs de la Crainte et de la Pitié h, n’était-ce pas faire du Théâtre une Ecole de frayeur et de compassion, où l’on apprenait à s’épouvanter de tous les périls, et à se désoler de tous les malheurs ? […] Telle était l’envie de se lamenter, qu’on exposait bien moins de vertus que de malheurs ; de peur qu’une âme élevée à l’admiration des Héros, ne fût moins propre à s’abandonner à la pitié pour un misérable : et afin de mieux imprimer les sentiments de crainte et d’affliction aux Spectateurs, il y avait toujours sur le Théâtre des Chœurs d’Enfants, de Vierges, de Vieillards, qui fournissaient à chaque événement, ou leurs frayeurs, ou leurs larmes. […] Comme les Dieux causaient les plus grands crimes sur le Théâtre des Anciens, les crimes captivaient le respect des Spectateurs, et on n’osait pas trouver mauvais ce qui était abominable. […] Castelvetro dit qu’on jouait à Rome la Passion de Jésus-Christ de telle manière, que les spectateurs éclataient de rire.