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274. (1726) Projet pour rendre les spectacles plus utiles à l’Etat « Projet pour rendre les spectacles plus utiles à l’Etat » pp. 176-194

J’ai oui dire autrefois à feue Madame de la Fayette, que dans une conversation Racine soutint, qu’un bon Poète pouvait faire excuser les grands crimes, et même inspirer de la compassion pour les criminels, que Cicéron disait que l’on pouvait porter jusques là l’éloquence, et il ajouta qu’il ne faut que de la fécondité, de la justesse et de la délicatesse d’esprit pour diminuer tellement l’horreur des crimes ou de Médée, ou de Phèdre qu’on les rendrait aimables au spectateur au point de lui inspirer de la pitié pour leurs malheurs, tel est le pouvoir des bons Poètes et tel est la faiblesse de nos esprits qui ne sont point en garde contre les charmes de l’illusion ; or comme les assistants lui nièrent que cela fût possible et qu’on voulut même le tourner en ridicule sur sa thèse extraordinaire, le dépit qu’il en eut le fit résoudre à entreprendre Phèdre où il réussit si bien à faire plaindre ses malheurs, que le spectateur a plus de pitié de la criminelle que du vertueux Hippolyte.

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