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19. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [B] » pp. 380-390

On ne fut pas longtemps à s’apercevoir que le talent de censurer le vice, pour être utile, devait être dirigé par la vertu ; & que la liberté de la Satyre accordée à un malhonnête-homme, était un poignard dans les mains d’un furieux : mais ce furieux consolait l’envie : voila pourquoi dans Athènes comme ailleurs, les Méchans ont trouvé tant d’indulgence, & les Bons tant de sévérité : témoin la Comédie des Nuées ; exemple mémorable de la scélératesse des envieux, & des combats que doit se préparer à soutenir celui qui ose être plus sage & plus vertueux que son siècle… […] Un Peuple qui a mis long-temps son honneur dans la fidélité des femmes, & dans une vengeance cruelle de l’affront d’être trahi en amour, a dû fournir des intrigues périlleuses pour les Amans, & capables d’exercer la fourberie des Valets : ce Peuple d’ailleurs pantomime, a donné lieu à ce jeu muet, qui quelquefois, par une expression vive & plaisante, & souvent par des grimaces qui rapprochent l’homme du singe, soutient seul une intrigue dépourvue d’art, de sens, d’esprit & de goût. […] Aussi, dans le recueil immense de leurs Pièces, n’en trouve-t-on pas une seule dont un homme de goût soutienne la lecture. Les Italiens ont eux-mêmes reconnu la supériorité du comique Français ; & tandis que leurs Histrions se soutiennent dans le centre des beaux Arts, Florence les a proscrits de son Théâtre ; & a substitué à leurs Farces les meilleures Comédies de Molière traduites en Italien. […] Mais comme ce genre ne peut être ni soutenu par la grandeur des objets, ni animé par la force des situations, & qu’il doit être à la fois familier & intéressant, il est difficile d’y éviter le double écueil d’être froid ou romanesque ; c’est la simple nature qu’il faut saisir, & c’est le dernier effort de l’art d’imiter la simple nature.

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