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55. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre VI. Du Fard. » pp. 143-168

Sachez donc & croyez, insensés fanfarons, Qu’elle vous chaussera bientôt ses éperons ; Elle fera l’appas, mais d’une telle sorte, Qu’il vous faudra sortir par une fausse porte. […] On s’attend bien que la matiere du tein & des couleurs, soit des cheveux, soit de la peau, y est amplement traitée, & qu’il enseigne une multitude de recettes, pour se donner toutes sortes de couleurs. […] Sara, Rebecca, Rachel, Debora, Ruth, ne se fardoient point ; Judith déploya bien des bijoux pour ses parures, jamais ni rouge ni blanc ; Esther étoit indifférente pour toutes sortes de parures, & ne mit que ce qu’on lui donna, mais point de fard. […] Son libertinage qui l’avoir livrée à toute sorte d’amans, malgré ses deux mariages, fut un peu modéré par la crainte de la jalousie de l’Empereur, qui ne l’auroit pas épargnée, aussi faisoit-elle la prude avec lui, se réfusant quelquefois à ses desirs, alléguant la sainteté de son mariage, & dans la vérité pour mieux irriter sa passion, par dès refus étudiés ; mais elle se dédommageoit en le portant à toutes sortes de débauches ; elle en fut la victime dans un de ces momens de brutalité qui étoient ordinaires, à ce Prince Néron piqué de quelque raillerie qu’elle lui avoit faite, sur son adresse à conduire un char, lui donna un si grand coup de pied, quoiqu’elle fût enceinte, qu’elle en périt avec son fruit. […] L’ambition pourtant le lui fit préférer : elle l’emporte chez les femmes, sur l’envie de plaire, ou plutôt l’envie de plaire est une sorte d’ambition, qui, pour elle est l’échelle de la fortune, aussi-bien que la carriere de la volupté.

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