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33. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre V bis. Le caractère de la plus grande partie des spectateurs force les auteurs dramatiques à composer licencieusement, et les acteurs à y conformer leur jeu. » pp. 76-85

Des oisifs de toute espèce, des paresseux de profession, dont l’unique affaire est de ne rien faire ; l’unique soin, celui de n’en point prendre ; l’unique occupation, celle de tromper leur ennui ; passant de la table aux cercles ou au jeu, et de là aux spectacles, pour y assister sans goût, sans discernement, sans fruit, fort satisfaits au reste d’avoir rempli le vide d’un temps qui leur pesait. […] Des leçons pour apprendre les subtilités du vice, ou des exemples pour s’affermir dans le crime, ou des aliments des passions pour en repaître leur cœur, ou des peintures fabuleuses pour retracer à leur imagination de trop coupables vérités. » Le théâtre ne leur plaît qu’autant qu’on a soin de ne pas contrarier, jusqu’à un certain point, leurs penchants, qu’on y ménage, qu’on y flatte même leurs passions favorites, qu’on y donne aux vices qui leur sont les plus naturels un vernis d’héroïsme et de grandeur qui adoucisse à leurs propres yeux ce qu’auraient d’odieux des couleurs trop vraies et des images trop ressemblantes : comme ils sont plus susceptibles d’impressions nuisibles et dangereuses que d’impressions bonnes et utiles, une morale exacte, une raison sévère les ennuient et les rebutent. […] Comme les poètes savent qu’on ne prendrait point de plaisir à voir représenter des actions pour lesquelles on a de l’horreur, ils ont grand soin de dérober à la vue des spectateurs tout ce qui peut leur causer cette horreur.

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