Que le Conseil établisse une compagnie de huit ou dix bons Citoyens connaisseurs, qui sous la direction du Magistrat de Police aient soin de rendre les spectacles plus utiles aux bonnes mœurs, c’est-à-dire, aux mœurs désirables dans la société ; le Roi nommera les quatre premiers, ces quatre nommeront le cinquième, les cinq nommeront le sixième, les six nommeront le septième, et ainsi de suite. […] Au reste c’est à l’Etat à payer par des pensions une partie des frais des spectacles lorsqu’ils sont utiles à la société, et c’est aux spectateurs à payer l’autre partie de ces frais, parce qu’ils en retirent du plaisir. […] Ainsi avec un des grands mobiles des hommes qui est le désir de la distinction, le Poète pourra en divertissant les spectateurs augmenter considérablement l’empire de la vertu et de la gloire aux dépens de l’empire de la mollesse et de la vanité, la perte de l’un sera l’augmentation de l’autre, et à dire la vérité, les hommes n’ont rien de solide et de durable à opposer au furieux désir des plaisirs des sens si nuisibles dans leur excès à la société, que le ressort ou le désir des plaisirs de la distinction la plus précieuse qui tend toujours au plus grand bonheur de cette même société. […] Mais par la même raison, il me paraît contre le bon sens et contre la bonne police de permettre de parodier et de tourner en ridicule d’excellentes pièces sérieuses, où la vertu est honorée et le vice puni ; cet excès dans les parodies est la suite de la corruption de nos mœurs ; le Poète pour procurer du plaisir au spectateur et pour gagner plus d’argent ne s’embarrasse pas de confondre le bon avec le mauvais, l’estimable avec le ridicule, le grand avec le méprisable, l’odieux avec l’aimable, comme si toutes ces choses étaient égales pour le bonheur et pour le malheur de la société, et comme si le but de la raison n’était pas d’unir toujours dans les spectacles l’utilité de la société au plaisir du spectateur. […] Or l’on m’avouera que c’est un mauvais emploi de l’art et de l’esprit par rapport à la société que de rendre les crimes et les criminels moins dignes d’horreur.