Cependant ce désordre, qu’on pourroit considérer comme une calamité publique, vu l’importance d’une bonne éducation par rapport à la société civile, n’est rien en comparaison d’un système qui ayant pris naissance dans la licence républicaine d’un pays où le mélange de toutes les sectes modernes a remplacé la religion antique, s’étend d’une manière effrayante dans les pays catholiques ; et menace d’une révolution prochaine dans les mœurs, plus générale et plus subversive de toute décence, que tout ce que la vicissitude des siècles et des nations nous présente dans le tableau des folies et des prévarications humaines. Le génie sinistre qui semble diriger les opérations et fixer le goût de ce siècle, a imaginé de substituer des enfans aux comédiens, et de ne plus se servir de ceux-ci que comme d’instituteurs et de curateurs de ces jeunes baladins, qui parfaitement modelés sur le ton et les talens mimiques des anciens, ajouteroient aux attraits ordinaires des spectacles la candeur et l’intéressante naïveté de la jeunesse. […] Reparoissez dans ce siècle ; vous y verrez vos usages en honneur, vous n’y recevrez que des applaudissemens et des éloges. […] Que tous les individus fixés par choix et par goût dans la profession de l’histrionisme y persévèrent en toute liberté : mais que l’enfance reste intègre ; que les plantations dont la postérité doit recueillir les fruits, ne soient point livrées à la rapacité d’une jouissance meurtrière ; et qu’un siècle n’ait pas le malheureux avantage de dévorer la substance des siècles suivans, en préparant de loin le moyen fatal qui doit leur donner la honte ou le néant. […] Comparez dans les siècles suivans les progrès ou la décadence de cette religion sainte avec le degré de la fureur théâtrale ; examinez son état dans les villes et chez les peuples où les mimes ont été plus ou moins en honneur ; arrêtez-vous sur-tout au moment de la chute rapide et générale qu’elle essuie parmi nous, et de l’accroissement exactement proportionnel du théâtre ; et vous concluerez que l’histrionisme est dans la vérité du fait, la mesure exacte et précise qui marque l’autorité et la considération du Christianisme ; une espèce de baromètre moral, mais sûr et infaillible, qui en raison contraire détermine les progrès ou les pertes de son rival….